La rivière des Mille-Îles coule au bout de ma cour. Les oiseaux y abondent, nichant en ces îles que le Parc régional de la Rivière-des-Mille-Îles, notre allié depuis le tout début du projet Ambassadeurs de rivières, essaie de protéger. On y canote, on y pêche, mais on ne s’y baigne plus. Chaque été, la rivière me raconte l’histoire d’un paradis où les gens venaient encore se baigner, à l’époque où mes parents étaient jeunes mariés.
Cela nous a été confirmé par les aînés qui ont participé au projet Une rivière de souvenirs, un film-témoignage créé par les deux étudiantes de niveau universitaire Béatrice Lange et Maelly Rompré-Pépin, avec la subvention reçue du programme Emploi Été Canada, pour laquelle nous remercions le bureau du député Yves Robillard.
J’avais organisé en 2015 un concours pour célébrer la rivière des Mille-Îles à partir de sa rive sud, c’est-à-dire à partir de Laval. En partenariat avec RAPPEL : Parole-Création et avec la ville de Rosemère, j’ai récidivé en 2017, à partir de la rive nord cette fois. Laval et Rosemère se situant sur les deux rives de cette même rivière, nous avons alimenté le concours avec des activités participatives s’y déroulant, la première étant un atelier d’écriture animé par Mme Aimée Dandois-Paradis, auteure lavalloise.
En collaboration avec les très dynamiques Madone Simard, professeure d’aquarelle, Nathalie Garceau, professeure d’art, et le Regroupement des artistes de Rosemère, deux ateliers ont eu lieu dans le cadre des Journées de la Culture : un à Rosemère, où les participants écrivaient à partir d’œuvres d’art inspirées par la rivète des Mille-Îles, et un autre au CIEAU Laval, où les artistes en aquarelle travaillaient, sous la supervision de Madone Simard, à des œuvres inspirées d’extraits des Cantiques de l’eau, pendant que des auteurs écrivaient en s’inspirant d’aquarelles réalisées antérieurement sur le thème : reflets dans l’eau.
L’événement final s’est déroulé à la bibliothèque de Rosemère, dont nous remercions la direction et le personnel. Merci à Madone Simard et à Nathalie Garceau, au CIEAU-Laval et à nos commanditaires : Métro Rosemère, le député Claude Surprenant et la FQLL.
Vie et santé à nos rivières!
Nancy R. Lange
présidente de RAPPEL : Parole-Création
représentante des Porteurs d’eau pour Coalition Eau Secours!
Voici donc les textes des participants.
1.
Mille et cent rivages
J’ai vu la rivière
étreindre ses berges
en valse éperdue
ses jupons au vent
entre cent rivages
aux parfums d’été
aux glaises fertiles
aux saules tranquilles
ses îles bruissant
de souffles ténus
de vies effrontées
en coussins sur l’eau
J’ai vu la rivière
pour un seul héron
jouer l’indolente
en baies paresseuses
aux fleurs affalées
aux roseaux froissés
aux moiteurs croupies
comme panses soûles
havres méconnus
de tortues planquées
de canards peinards
en retrait du flot
Plus loin que lumière
au bout des saisons
que rêve de femme
au soleil levant
voici que la portent
la domptent, la guident
vers sa vastitude
vers son utopie
mille faux détours
et cent plénitudes
cent et mille terres
mille et cent rivages
Marguerite Thébault, lauréate
13 octobre 2017
2.
Métaphores de l’eau
Heureuse comme un poisson dans l’eau
La rivière des Mille-Îles amène de l’eau au moulin
Tout en étant claire comme de l’eau de roche
Il lui arrive de se noyer dans un verre d’eau
Comme une goutte d’eau dans l’océan
Elle coule de source
Mais si elle nage entre deux eaux
Elle se retrouvera le bec à l’eau
Va falloir qu’elle mette de l’eau dans son vin
Sinon c’est comme un coup d’épée dans l’eau
Et ce sera la goutte qui fait déborder le vase
Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse
Ne lui dites pas : « Fontaine, je ne boirai pas de ton eau »
Vous naviguez en eau trouble
Et si vous nagez entre deux eaux
Ce sera une tempête dans un verre d’eau
Même si des rivières se ressemblent comme deux gouttes d’eau
Il faut se méfier de l’eau qui dort
Car même si tous les ruisseaux vont à la mer
La rivière des Mille-Îles
Aura fait couler beaucoup d’eau sous les ponts
Ruth Benchétrit
3.
Lettre à mes deux fidèles amis
Bonjour mes chers amis,
Vous serez sûrement surpris de recevoir cette lettre. Toi, ma meilleure amie, la rivière des Mille-Îles, tu as fait partie de mon enfance. Souvent le dimanche, on se réunissait en famille pour pique-niquer. Quelle joie de se retrouver! Les enfants s’amusaient, couraient, et surtout, se baignaient. Tu te rappelles des châteaux de sable édifiés sur tes rives. Ils étaient magnifiques… à nos yeux! Ce qu’on était heureux!
À l’adolescence, j’étais toujours près de toi, mais j’avais déménagé mes pas un peu plus loin, je me tenais à la plage Sainte-Rose. Les jeux avaient changé, mais mon amour pour toi était resté le même. Je me baignais encore, mais j’avais perdu un peu de mon innocence. Après la baignade on se retrouvait un groupe de jeunes à la salle de danse. Et on dansait tant et aussi longtemps qu’on avait de sous à mettre dans le juke-box. C’est là que j’ai connu mes premières amours. C’est sur tes berges que j’ai eu mon premier baiser.
Ce sont les plus belles années de ma vie et tu en étais témoin.
Je suis souvent retournée te voir. Il y avait aussi les arbres qui m’inspiraient. Et c’est là que je l’ai trouvé, mon deuxième ami. Mon arbre. Tu es devenu pour moi un véritable confident. Aussitôt que j’avais de la peine, c’est à toi cher arbre que j’allais raconter mes misères. J’avais l’impression que tu me comprenais. Et je t’en ai dit, des secrets, des choses que je n’ai jamais partagées avec qui que ce soit. Tu étais le seul dans la confidence.
L’hiver, je continue à vous visiter. Toi, la rivière gelée qui fait courir des vagues de poudrerie lors des grands vents, tu as la chance de nous voir patiner et d’entendre nos grands éclats de rire.
Toi mon arbre, du haut de ta grande taille, tu nous vois évoluer sur cette étendue blanche et froide. Et même dépouillé de tes feuilles, tu gardes une allure altière. On sent ta fierté.
La rivière des Mille-Îles a connu mes jeux, mes joies.
Mon arbre, mes chagrins et mes peines.
Toi ma rivière bien-aimée, on t’a tellement malmenée qu’il n’est plus possible aujourd’hui de se rafraîchir dans tes eaux. Je te demande pardon.
Toi, mon arbre, tu es toujours là, mais combien de tes amis ont disparu pour céder la place à des condos ou des palaces. Pardon de t’avoir fait orphelin.
Mes grands amis, je tiens à vous remercier. J’espère que vous nous pardonnerez à nous, pauvres humains, pour toutes les bêtises qu’on vous a fait subir.
À vous deux, MERCI. Je vous aime et vous aimerai toujours.
Sincèrement,
Louise Binette
4.
Un désir au cœur
J’avance désir au cœur
revoir la rivière des Mille-Îles
plonger dans ses eaux douces
apaiser les brûlures de ma vie
et dans le bleu – silence
devenir la pierre polie érodée
l’oiseau au long séjour
Au moment choisi, sur une de ses îles
lovée dans l’herbe haute
je reconnaîtrai la splendeur de ses battures
l’effervescence heureuse de son flux.
Oui, à chaque fois, chaque rencontre
la rivière prend mes yeux
la tangue de mon cœur les soubresauts joyeux de mes jours
à l’affût de ses vagues écarlates
je tremble d’amour
et bats comme elle la démesure
d’un bonheur ancré dans les circuits de l’âme.
Je prie aujourd’hui
et devant la conscience étriquée
des écumeurs de tout acabit
je crie tout à la fois
Eau-Secours!
Protégeons l’or liquide, l’eau potable de notre rivière
Prenons soin aussi des nombreuses espèces qu’elle abrite.
Oui, j’avance désir au cœur
revoir la rivière des Mille-Îles
des mille rêves
des mille trésors marins
pas pressée
dans le pas de ses tortues je vais
en espérant rejoindre le grand fleuve
et redevenir l’enfant pur
libre de ses jeux
désir au cœur j’avance.
France Bonneau, finaliste
5.
Le goût de l’eau
Lors d’un voyage en Gaspésie, en visite chez ma sœur Monique, au bord de la rivière Matane, elle m’a fait visiter son refuge de Saint-René-Goupil. La rivière au saumon traverse tout le village. Quelle splendeur, quel émerveillement; à l’automne, les arbres sont colorés, les oiseaux chantent fort, les petits suisses courent partout et se cachent dans les branches. L’eau si claire et limpide coule sans cesse, les pêcheurs taquinent les poissons dans les fosses.
Le vent nous donne des frissons, car il est plus frais que durant l’été. Ça sent le sapin et le pin. Les écureuils préparent leur nid. On entend tout à coup les cloches de l’église résonner en écho et la joie de vivre de ces moments me fait vibrer encore.
Je vis maintenant au bord de la rivière des Mille-Îles. Les canards malards sont tellement beaux. Il y en avait vingt-cinq l’autre jour, je les ai comptés. Un héron dans les joncs essayant d’attraper une grenouille, quel spectacle! Les outardes suivent la rivière pour faire leur grand voyage. Elles passent au-dessus de ma maison et je m’émerveille chaque automne. À l’arrière de l’église Saint-Eustache, sur le bord de la rivière, l’été, on peut entendre tous les dimanches à trois heures les cloches sonner pour annoncer les baptêmes des nouveau-nés. Que c’est beau la vie! Je fais souvent de la méditation et du tai-chi en regardant l’eau couler simplement.
Murielle Bourget
« Mimosa »
6.
La leçon de la rivière des Mille-Îles
Je finis de boire mon grand verre de Quick au chocolat lorsque mon frère Pierre surgit de la chambre en courant.
— Ça y est, c’est aujourd’hui!
Bien emmitouflés, nos bottes de feutre aux pieds, nous sommes prêts à sortir dehors quand la voix de notre mère nous rattrape :
— Les enfants, revenez avant le dîner. Et n’allez surtout pas sur la rivière.
Pierre me lance un clin d’œil complice.
J’attrape nos bâtons de hockey et quelques rondelles. La neige gémit sous nos bottes, le vent froid picote nos joues.
Nous descendons vers la rivière : elle est gelée. Mon bâton de hockey à l’envers, je pioche sur la glace. On dirait que ça sonne creux. De plus, sa couleur noirâtre veinée de lignes bleu sombre m’inquiète. Je sors une rondelle de ma poche et la lance. Elle fait un premier bond quand Pierre s’élance sur la glace.
Je m’écrie :
— T’es fou! Reviens! La glace n’est pas assez épaisse.
Mais il n’en fait qu’à sa tête et s’éloigne encore davantage. Avec mon bâton, je vérifie la surface devant moi, puis me donne un élan. Je suis à environ vingt pieds de la rive et remarque quelqu’un qui arrive sur le bord.
— Michel! s’écrie Yves. Mais qu’est-ce que tu fais là? Viens-t’en tout de suite!
— Tout va bien! Pierre et moi jouons au hockey.
Notre frère aîné hausse les épaules.
— Pierre et toi? Mais tu es tout seul sur la rivière.
Je me retourne. Pierre a disparu.
— Mais, mais… Pierre était ici il y a à peine dix secondes.
Mon cœur cogne dans ma poitrine. Je repère un bâton abandonné près d’une flaque d’eau, au milieu de la rivière.
Je lâche d’un seul souffle :
— Yves, viens m’aider. Pierre est tombé à l’eau. Vite!
Yves glisse dans ma direction. Tout à coup, nous entendons un bruit sec. La glace se fendille.
— Pierre, Pierre, où es-tu?
J’aperçois des mitaines au-dessus de la glace.
— Il est là!
— Au secours! Aidez-moi.
J’agrippe fermement son bras droit, Yves le bras gauche et le collet. Après quelques secondes, qui me paraissent durer une éternité, nous nous retrouvons tous les trois étendus, épuisés et tout trempés.
— C’est maman qui ne va pas être fière, dis-je.
À cet instant, comme si notre mère avait des antennes qui perçoivent tout, sa voix nous parvient entre les arbres.
— Les enfants, où êtes-vous? Rentrez tout de suite, c’est l’heure du dîner.
Impossible d’inventer un mensonge. Quand elle nous voit arriver, à l’expression de son visage, on dirait vraiment qu’elle sait.
— Ma foi du Bon Dieu! Mais qu’est-ce qui vous arrive?
— C’est rien maman, commence à expliquer Yves.
Interloquée, elle pose une main sur sa poitrine, recule, s’accote sur la table de la cuisine. Puis elle fond en larmes.
À ce jour, aucun de nous n’a oublié cette image de notre mère, ni la leçon que nous a appris la rivière qui, ce matin-là, avait été à la fois cruelle et si généreuse…
Michel Bouvrette
finaliste
7.
La rivière des Mille-Îles m’inspire…
La rivière des Mille-Îles est une petite merveille de la nature, un lieu de détente enchanteur où il fait bon s’y retrouver. Voilà un motif équitable pour demeurer en harmonie avec notre magnifique Dame Nature et ses nombreuses vertus. Dans l’ère du 21e siècle, revenir à la source devient essentiel à un équilibre de vie.
Côtoyer la nature demande le plus grand des respects. Les espaces verts et les cours d’eau permettent aux gens de s’y ressourcer à tout moment de l’année. Sensibiliser la population à l’importance de demeurer ou de devenir des amants de la nature nécessite quelques réflexions sur nos habitudes de vies actuelles, versus les dangers potentiels engendrés à long terme. La conscientisation de tout un chacun commence par la responsabilisation de la population en entier face à l’environnement qui est le nôtre.
Que ce soit en solitaire ou entre amis, en famille ou en couple, entre collègues ou en groupes organisés, en classe-école ou en service de garde, aux âmes artistiques ou aux esprits sportifs, la rivière des Mille-Îles offre des possibilités de profiter de son immense espace. Plusieurs attraits touristiques sont disponibles ainsi qu’une variété de loisirs, tant pour les gens plus actifs que les plus contemplatifs, afin de pouvoir admirer et explorer sa beauté dans son intégralité. Le côté récréatif de la rivière des Mille-Îles doit continuer d’être exploité.
Profiter de ces magnifiques cours d’eau permet d’offrir des moments de détente indescriptible. Il y a tant à faire, autant en saison plus chaude que plus froide. Voilà autant de périodes achalandées qui permettent à de nombreux touristes d’y accéder tout au long de l’année. Chaque saison a son cachet et son lot de plaisance. Pendant que le printemps nous permet d’admirer la fonte des glaces, jusqu’à ce que l’été nous offre la possibilité de contempler de magnifiques paysages estivaux, tandis qu’on peut en profiter pour s’émerveiller par les splendides couleurs automnales qui sont à couper le souffle et s’ensuit d’un hiver qui nous offre un panorama spectaculaire, à nous glacer le sang.
La rivière des Mille-Îles mérite qu’on en prenne soin. Il appartient à chaque citoyen de faire en sorte de préserver ce beau chef-d’œuvre qu’est la nature. Elle mérite d’ailleurs, en tout temps, le plus grand des respects. La beauté de ces rives d’une ville à une autre, de son cours d’eau et de ces îles permet aux artistes dans l’âme, aux amateurs de la nature et de la faune ainsi qu’aux adeptes de sports de plein air de tirer avantage de tout son potentiel.
Que l’on soit résident ou bien commerçant à proximité de ce site enchanteur ou encore visiteur, il appartient à chacun de traiter cet environnement de façon responsable et écologique. Tous ensemble, misons pour la protection de la nature afin de permettre de maximiser tout son potentiel à longue échéance.
Par amour pour la rivière des Mille-Îles, soyons généreux envers elle. Faisons-le pour nous, mais aussi pour nos futures générations qui auraient avantage à pouvoir en bénéficier. Offrons-leur ce cadeau inestimable, léguons-leur cette richesse naturelle qui doit demeurer accessible dans toute sa splendeur pour des siècles à venir.
Josée Cinq-Mars
réelle amante de la nature
résidente des abords et fière bénéficiaire de la rivière des Mille-Îles
8.
Hommage aux eaux de ma vie
Eau-mage à ma mère qui m’a abritée dans ses eaux utérines
Bien avant de me bercer dans ses bras
Aux filets d’eau de tous mes baptêmes
À mes bains nocturnes au goût d’océan
Eau-mage à la rivière des Mille-Îles qui m’a vu grandir
Ses berges construisaient refuge dans les tempêtes de ma vie
Ses flots apaisaient mon esprit tourmenté
Le long de ses rives j’ai couru l’espérance
Eau-mage à l’eau carrée des piscines turquoise
Aux lacs de mon enfance, Filion et Pajegasque
À la chaude mer de juillet à Cap-Pelé et Shediac
Aux rapides de Lachine où je noyais mes peines
Eau-mage à toute l’eau que j’ai bue goulûment
Au verre, à la bouteille ou à pleines mains
Cette eau qui me tient en vie, me désaltère
Et sans laquelle je serais désertique
Eau-mage à la rosée du matin, à la bruine d’arc-en-ciel
À la pluie diluvienne, à l’ondée délectable
Aux torrents qui grondent, aux chutes vertigineuses
Aux ruisseaux qui cascadent, aux bulles nimbées de soleil
Eau-mage à toutes mes larmes d’eau salée
Qui purifient mon cœur et nettoient mon âme
À ma salive d’envie, de faim, de soif et de désir
À tous mes fluides d’eau de vie
Marie-France Cyr
9.
Huit mille jours au bord de tes mille îles
Ma famille a emménagé à Boisbriand, en bas de la côte, en 1972, au coin de la rue Gilles et de Carré Dubois. Petite fille, j’adorais jouer sur tes berges. Ma mère m’avait avertie que tu étais polluée. Un jour, on te dépolluerait et on pourrait se baigner dans tes eaux.
Quelques mois avant les Jeux olympiques de Montréal, tu es sortie de ton lit. C’était amusant de se promener en chaloupe dans la rue liquide. Le courant a dû être coupé. Des voisins charitables nous amenaient des mets chauds du haut de la côte. Nous les rapportions à la maison en voguant sur tes flots et nous soupions à la chandelle. Mes parents ont trouvé ta venue moins drôle. Les pompes s’activaient sans arrêt dans le sous-sol inondé. Un matin, constatant la vingtaine de bouteilles vides, j’ai demandé s’il y avait eu des visiteurs pendant la nuit. J’ai alors appris que mon père trouvait refuge dans le blond liquide. Mes frères et moi avons dû être évacués durant deux semaines à cause des risques de fièvre typhoïde. Mon père a fait monter notre terrain et cessé de boire l’année d’après.
J’étais en secondaire II quand j’ai appris à pagayer en canot sur tes flots. La résistance de l’eau étant mille fois supérieure à celle de l’air, j’ai musclé mes biceps. Un jour, le professeur nous avait amenés près d’un pont pour nous montrer une technique. Il s’agissait de pousser la pagaie vers l’extérieur. Cela m’a permis d’éviter la collision avec l’énorme structure. J’ai adoré la sensation du déplacement rapide et sec pour m’éloigner des obstacles. Je me sentais habile à naviguer, comme une cavalière sur son fier destrier.
À l’été 1988, en plein tourments d’adolescence, mon frère Martin avait choisi ton lit pour son dernier repos. Le long de ton rivage, j’ai couru après lui pour l’en dissuader. Après des pourparlers houleux, il a donné une autre chance à la vie. Il est souvent revenu se confier à toi, dans la descente de bateaux, chantant même une ode à la lune. Il vit maintenant avec ses deux enfants près d’un ruisseau à Prévost.
Mon refuge préféré, pour ma part, était le banc devant ta rive, près du parc Desjardins. J’y contemplais ta beauté changeante au gré des saisons. L’hiver, je pratiquais le ski de fond sur ta surface glacée et me promenais d’une île à l’autre. En 1995, j’ai été téméraire de m’y aventurer au début de mars. Juste avant d’arriver sur la première île, j’ai constaté avec stupeur que mes skis renfonçaient dans tes eaux glacées. Je m’en suis sortie en me déplaçant tout doucement. Tu m’as laissé revenir chez moi. Merci! C’était la dernière fois que j’osais m’aventurer sur toi. J’ai déménagé à Montréal l’année suivante, puis à Sainte-Adèle en 2007 où je te trompe parfois avec la rivière Doncaster. Tu es encore plus polluée que dans mon enfance, ce que je déplore. Mais sache que je ne t’ai jamais oubliée.
Marie-France Cyr
10.
Eau source de vie
Je suis un boit-sans-soif, de flotte douce.
Jamais désaltéré.
Je lave mon asphalte.
Mon bain gigantesque, je l’inonde
Trois fois par jour pour mes élucubrations.
Mon appareil à glaçons travaille vingt-quatre heures sur vingt-quatre. J’aime ma boisson bien frappée.
Un jet d’eau dans mon broyeur,
Moins éreintant que de composter
J’use le cycle sanitaire aux lavages de mes vêtements.
Deux heures à grande eau brûlante, si désinfectante.
Jour et nuit, les gicleurs nourrissent ma pelouse
Jamais plus vert chez le voisin.
Chaque jour, je bénis
L’inventeur de la laveuse à pression.
Grâce à lui, mon pavé uni se targue
D’être exempt de toute tache d’huile, de rouille,
Ou de brin de gazon.
Ma jolie bagnole a droit à sa douche religieusement.
Je la traite aux petits oignons.
Je lui dois bien ça, avec tout l’amour qu’elle me procure.
Quand le beau temps pointe le bout de sa narine,
Je fais un pied de nez à l’hiver,
Et remplis ma grosse piscine bien creusée.
Bouteille d’eau pour tout le monde!
J’habite aux abords d’un ruisseau,
Ou j’ai émondé une forêt, pour mieux admirer l’eau
De ma terrasse, dans mon spa bien gorgé.
Quand j’embarque sur mon gros yacht,
Le gaz dans le fond.
Sur ton dos, je crève les flots,
Le bruit de mon paquebot,
Étouffe le son ennuyeux du courant.
Des voisins riverains se font couper l’eau,
Zéro précipitation, la rivière est à sec,
Grand mal leur fasse, du luxe il goûte aujourd’hui la misère,
Je me soûle de leurs ennuis et j’en ris!
Mon robinet est source inaltérable.
À grande eau, je brosse mes dents de bas en haut.
— Ami, laisse l’eau couler, écoute le bruit de l’océan sur l’acier du lavabo. Écoute comme c’est beau! Viens étancher ta soif!
Amen, ma citerne est pleine!
Ne t’inquiète pas pour les poissons,
J’ai vu la mer, cet hiver, à Cuba,
Il y a de l’eau en masse pour nos fritures.
Eau, source de vie, sais-tu combien je t’aime?
Danielle Durette
11.
Chère rivière des Mille-Îles,
Combien d’artistes t’ont croquée sur le vif avec leurs crayons, pastels et huiles? Toujours fière, tu relèves le col de tes vagues, car de tes profondeurs s’élèvent l’importance et la valeur de tes gènes.
Combien de pères et de grands-pères ont canoté sur tes eaux avec leurs rejetons afin de tendre leurs lignes à pêche pour épater la galerie? Des souvenirs gravés dans la mémoire et fixés sur pellicule pour la postérité!
Combien de chagrins as-tu bercés? Ma sœur Lucie à une dizaine de semaines de partir vers l’autre rive de sa vie s’assoyait le long de tes berges et te regardait couler en douce selon l’humeur du temps. Ses yeux verts s’embuaient de tant de beauté. Les colverts et leur ballet aquatique balayaient de coups d’aile les plis de ton front soucieux d’égayer tes spectateurs.
Combien de larmes as-tu séchées? Je t’ai fréquentée à mes heures, suite à des deuils qui bouleversaient mon équilibre émotif. Présente, attentive et fidèle, tes murmures me consolaient.
Combien d’amoureux de la nature as-tu envoûtés? Sur les sentiers longeant tes courbes, j’ai rencontré des vélos, des poussettes, des trottinettes, des marchettes et des têtes blanches main dans la main, le sourire en coin.
Combien de touristes as-tu conquis? Précieuse jusqu’au bout de tes îles, tu invites les visiteurs à glisser sur ton dos, puis tu les enchantes de tes histoires et tes secrets bien gardés.
Chère rivière des Mille-Îles, mille fois mercis pour ta générosité et que ton or bleu puisse couler vif et clair encore et encore pour égayer, consoler, inspirer, nourrir et instruire les générations à venir!
Une fidèle admiratrice
Louise Gagné
finaliste
12.
Mille-Îles
Assise en lotus à l’aurore
À proximité du babillage de l’eau
Les arabesques fluides effleurent
Tant de blancs secrets d’alcôve
Dans tes courbes de rivière enceinte
Flanquée d’îles et d’herbes flageolantes
Tu racontes le temps passé
Bleus crépitements d’insectes
En osmose avec le ciel
Tant d’ambre marbré
Ta libre chevelure mille et une fois
Refaite aux quatre saisons
Ta mouvante beauté ridée
Affecte mon esprit ouvert
Puisse-t-il voguer en canot
Sentir les pierres de fond
Petite broue, bave de grenouille
Et retrouver le chemin
En apnée, l’imagination danse-t-elle
Avec tes grégaires poissons?
L’effleurement de leurs nageoires
Sur ma pagaie sensible
Telle une plume sur la peau
L’encre de tes flots dans mes mots
Oserai-je déposer le premier orteil
Sur toi, Mille-Îles?
Doucement glisser dans ta fraîcheur
Mon corps frileux entier?
M’étaler sur ton dos mouillé
M’abandonner en étoile
Ouvrir grand les yeux
Sur toutes les autres étoiles
Francine Guay
finaliste
13.
Être portée au bout du monde par la rivière des Mille-Îles
Être portée au bout du monde par la majestueuse
elle a appartenu à la nuit
sur ses sillons, les Premières Nations ont navigué sous ses étoiles
les milles rives des îles sous les yeux
mon ciel est né de la terre et du ciel
je suis dans la lignée de mes ancêtres
la ligne tracée à l’équerre liquide dispersée sur tant de parcelles, petits domaines
le bleu franc des voies maritimes et le vert des arbres
source des astres, voix du ciel renversé
la terre auprès des eaux, l’annonce du jour
au crépuscule oranger se miroitent les ombres et les jeux sur la plage
entends-tu le cri des vagues, le glissement des canots, le murmure des peaux qui voyagent
entends-tu le souffle des poissons, la caresse des algues, le baiser lointain du fleuve
je suis dans le bouclier tombé, parmi les restes, évanescente, l’or bleu
la chute est un langage différent
souvenir d’eau, salives, glaises entremêlées
là où le soleil pointe ses ailes de feu, les voiliers la pigmentent
curiosités, insectes, animaux tapis dans sa faune
elle grouille, elle respire
tandis que nos langues se touchent sous les ponts du grand serpent turquoise
la rivière susurre, nous explore
elle courtise le sol, manteau manouche et la belle se boit, la belle se meut
attention, attention, elle se meurt sans nos caresses, nos secours
la vie née de l’eau, les siècles qu’elle veille, elle couve nos histoires
générations passées, présentes et futures
elle abreuve, nettoie, baptise, nourrit l’archipel de nos amours
vois, regarde et pose tes mains sur son velours azuré
prends et donne, redonne et prends doucement
prends soins d’elle, relie-là au monde des vivants et protège-là de la mort
car du jour passé auprès de toi
une rivière est née
rivière éternelle des Mille-Îles
ma douce, ma grande, ma grâce, ma sublime subtile alliance
Vicki Laforce
finaliste
14.
Poésie de la rivière des Mille Îles
Mille Îles comme dans Les Mille et une nuits! La rivière, échappée du lac des Deux-Montagnes, gambade au-travers le territoire abreuvant heureusement ses habitants de part et d’autre jusqu’à Lachenaie, mais abrite surtout une faune et une flore pas toujours visible à l’œil nu, d’où vient sa magie. Et, bien qu’elle agisse presque en silence, elle contribue à l’équilibre du monde… sous l’eau, sur l’eau et sur ses rives.
Pour ma part, la rivière m’a vu grandir. Elle m’a quasiment portée, à contre-courant, d’est en ouest. J’ai atterri près d’elle grâce à mon père qui, à la fin des années 40, années de son adolescence, se rendait avec ses amis à vélo jusqu’à la Plage-Idéale, à Auteuil, en partant de Montréal. Il a tellement aimé toute cette nature environnante que c’est là qu’il a décidé d’élever sa famille quelques années plus tard. Peu à peu, au fur et à mesure que je grandissais et que le territoire de mes explorations s’élargissait, j’avançais vers l’ouest sur ses rives.
Alors que la prime adolescence m’avait vu m’aventurer jusqu’à cette fameuse Plage-Idéale qui ne l’était hélas plus dans les années 70, mes quatorze, quinze ans m’ont amenée jusqu’au parc des Érables, dont les pieds baignent dans l’eau de la rivière. Un peu retiré du monde, cet endroit idyllique a été le témoin de mes premiers émois. Je me rappelle encore aisément de ce soir de la pleine lune, sur le bord de l’eau, avec pour témoin une ou deux de ses fameuses îles… Allais-je le laisser m’embrasser ou pas? Seule la rivière le savait… La réverbération de la pleine lune sur l’eau a probablement eu beaucoup à voir avec ma décision.
* * *
Quarante ans plus tard, je reviens vers elle et cette fois-ci je remonte le temps en sens inverse, d’ouest en est, passant d’un souvenir à un autre, semé comme autant de petites pierres le long de ses berges pour retrouver mon enfance. À Fabreville, je me rappelle un certain Marquis et son île, là où se faisait l’élevage de chinchillas au début du siècle passé. Arrivée à la hauteur de Sainte-Rose, me reviennent en mémoire des images : je me vois patinant parmi les gigantesques arbres, pris dans les glaces de la rivière, le soir, en hiver, alors que j’étais dans la vingtaine. De nouveau, plus j’avance vers l’est, plus je remonte dans le temps. Celui où j’habitais un autre endroit idyllique, sur le bord de la rivière et auquel on accède en passant par la Terrasse Dufferin. Là où, parfois, au printemps, ce sont les maisons qui prennent des bains de pieds…
En définitive, je dirais que s’il y a eu Les Enfants du marais dans l’histoire du cinéma français, moi je suis une fille de la rivière des Mille-Îles dans mon histoire personnelle.
Joanne Gagnier
finaliste
15.
Tout juste avant l’arrivée de la neige blanche et froide, avant que les eaux se taisent pour quelque temps, des chants forts, mais doux, résonnent un peu partout.
Les êtres célestes emportent majestueusement sous leurs ailes l’odeur des fleurs jadis colorées et celle des pelouses fraîchement coupées. Ces forts vents nous transportent cette humidité.
Chaque étape annonçant que la nature enfile son hiver.
Gaya reprend tranquillement ses forces, celles que certains lui ont enlevées; continuant ainsi, prenant, à tort, pour acquis ces cycles naturellement vitaux.
Josianne Larocque-Boucher
16.
Mille îles et une goutte d’eau
Mille îles de terre noire, de savon, de langueur
Et une goutte d’eau qui ne reviendra pas.
Cherchons la chute ici, ou mieux : cherchons l’erreur,
Au début de la sieste, à la fin du repas.
Ils ont dit : « Vas-y donc! C’est pas la peau d’un chien! »
L’eau, elle circule par trombes. Il y en a à foison.
Installe-le, ton boyau, érige-le, ton moulin.
Fais comme chez toi. Harnache. Et chante ta chanson.
Puis la révolte inquiète a creusé son chemin
Comme nos rigoles qui pleurent, nos ruisseaux obstrués.
Quelle sera la couleur de nos torrents, demain?
Que verront les yeux doux qui viendront les pleurer?
On garde nos rouets, on préserve nos faïences.
On ressasse nos dictons, nos souvenirs de guerre.
De nos fiers rigodons, on redit les cadences.
Il est plus que grand temps d’abrier nos rivières…
Se laver à grande eau, se refaire une conscience
Ça se joue sur la corde d’un fier violon usé.
Mille îles sont pivelées. Leur illusion de puissance
Rappelle que la goutte d’eau, elle, ne fait que passer…
Paul Laurendeau
finaliste
17.
Mille lieues
Mon âme tétanisée
Engelée par la rupture
Observe les glaces
Dérive sur la rivière
Mille îles m’entourent
Un pont m’entraîne à mille lieues de moi
Frontière entre l’ombre et la lumière
Je suis assignée à résidence
En attente d’une nouvelle vie.
Le silence de l’hiver étouffe mes cris.
Ginette Lévesque
finaliste
18.
Ma chère rivière des Mille-Îles
Bleu vif, tu ne pouvais être définie par une autre couleur, ma chère, en tes beaux temps. Je t’imagine et je te vois bleue. Je te vois au loin, je te vois bleue. Je te voir proche et je réalise que tu n’es pas tout à fait bleue. Dans tes beaux temps, tu reflètes le ciel nuageux. Dans tes beaux matins et belles soirées, tu es orangée, reflet rose, reflet blanc.
Mais je t’annonce avec tristesse que tu deviens, en me rapprochant pour mieux t’observer, tu deviens de plus en plus brune et verte. Ma pauvre…
C’est ma faute, c’est notre faute, à nous les humains.
J’entends proche de toi l’usine de filtration d’eau. Autrefois, nous n’avions pas besoin de ce bruit de machinerie; nous pouvions vivre de toi, t’acceptant à ta beauté naturelle. Maintenant que l’on t’a salie, nous n’osons même plus nous baigner en toi. Même un enfant qui s’amuse à te toucher de son petit doigt se fera arrêter en sursaut.
— Wach! Ne touche pas à cette eau, elle est remplie de bactéries!
Bactéries, bien sûr, vu le canard et les mouettes sur le bord de l’eau, mais ceux-ci ne dérangent en rien les rivières et les lacs dans le Nord. Différence :
— Wach, ne touche pas à l’eau que nous avons polluée!
— Nous avons maintenant une usine pour te transformer en eau portable. Nous pouvons alors encore te polluer jusqu’à ce que l’usine ne soit plus capable de te nettoyer, se disent certaines personnes…
Je ne dirai pas qui, mais il me semble que c’est clair. Ceux-ci aiment aussi te gaspiller de toutes sortes de façons.
Pour ma part… Oui, j’avoue… Je te pollue à mon usage quotidien de ma vie. Je suis de plus en plus sensibilisée à toi, mais je veux le devenir encore plus. Je veux que les gens soient aussi plus conscientisés et sensibilisés.
Pour les civils dans leurs petites maisons :
— Fuck, fermez le robinet quand vous vous brossez les dents!
Pour les politiciens ou je ne sais pas qui :
— Fuck, imprimez-vous de l’argent ou mieux, créez-vous de l’argent numérique pour moins gaspiller!
Il faut cesser de te gaspiller toi, ma chère rivière et tous tes amis eau.
Jade Maillette
20 ans
19.
Vibration!
Onde liquide
Flot limpide
Dramatique tourmente
Impulsion troublante
Oscillation tragique
Humeur caustique
Phénomène vibratoire
Inévitable passoire
Flux lactique
Odeur butyrique
Inéluctable déviation
Nuisible perturbation
Afflux au secours
Dernier recours
La rivière des Mille-Îles
Soutient son vigile
John Mallette
20.
Turbulence
Le premier avril 2017,
Je lance ma bouteille
dans l’eau turbulente
de la rivière des Mille-Îles
Là, derrière l’historique
église Saint-Eustache,
un geste candide est posé pour
transmettre un message d’amitié.
Au beau milieu des inondations
et de la dévastation,
ma dépêche d’espoir et de paix
vogue, incertaine, sous le pont.
Partie dans le tourbillon
d’un voyage aquatique
à la rencontre d’une destinée
hardie et imprudente.
Lettre de conciliation
dans la violente perturbation
sur une voie agitée
d’une continuité indéfinie?
Cette eau muqueuse la transporte,
la remue et la tire,
la rattrape et l’oriente,
l’éphémère rivière des Mille-Îles.
John Mallette
21.
Rivière des Mille-Îles
Mille-Îles quel nom suave
Tu parcours les villes et les villages
En force et en beauté
Tu sèmes aussi la joie
Eau eau eau
Pour ta majestueuse allure
Ta contribution au bien-être
Des gens qui t’entourent
Pour les oiseaux émerveillés à tout moment
Eau eau eau
Mille-Îles mille splendeurs
Porteuse de merveilles à toute heure
Pour toi je fais une chanson
Mélodieuse et claire
Eau eau eau
Quand tu passes dans ma ville
Je sais que tu retrouveras
Les voisins toujours émerveillés
Je te laisse ce message
Au fond de mille bouteilles
« Protège l’eau ressource vitale »
Eau eau eau
Ho ho ho
Marie-Soeurette Mathieu
22.
L’histoire d’une vie
L’embryon, goutte de vie, baigne dans une eau chaude et vivifiante. Eau loin, une mélodie à peine eaudible émet des ondes apaisantes, tandis que le fœtus culbute, hoquette et baille, caressé par des mains aimantes. Puis un jour, ou une nuit, le nouveau-né hurle son expulsion de cette mer nourricière. Agressé par le froid et la lumière, le bébé s’époumone, recherchant le contact rassurant de la peau maternelle. L’eau saline des larmes s’associe à ses cris, messagère de son besoin vital. Sur le sein, l’angelot apaisé reconnaît la voix familière lui fredonnant :
« Ma petite est comme l’eau, elle est comme l’eau vive.
Elle court comme un ruisseau, que les enfants poursuivent
Courez, courez vite si vous le pouvez
Jamais, jamais vous ne la rattraperez »
Cette voix qui demain lui murmurera :
— Je serai toujours là eauprès de toi pour t’insuffler l’eaudace.
Eaujourd’hui, la fierté plein les yeux, les pieds de la petite osent leurs premiers pas. L’eautour de l’enfant prend alors la dimension de l’infini. L’eaudacieuse tombe et se relève avec obstination, eaugure d’une personnalité eaupiniâtre.
Quelques dents plus tard, les aliments joignent les rangs de l’apprentissage. Goûter, grimacer, apprécier, savourer jusqu’à en avoir l’eau à la bouche. L’eautorité lui offre l’eau à toutes les sauces, à boire, à barboter, à plonger, à nager, augmentant ainsi le plaisir à chaque découverte.
À l’aube de sa cinquième année, l’eautobus jaune amène l’écolière là où l’on enseigne les mots et l’eaurtographe, gratifiant chaque devoir d’un eautocollant.
Les saisons offrent à l’enjouée l’eau de la rivière transformée en averse sur son chapeau de pluie, en tempête de flocons sur son traîneau de neige, en miroir reflétant la splendeur du soleil, en maquilleur automnal pour les feuilles présentant le ballet d’un eaurevoir.
Suit de trop près une période de révolution, celle des amours!
Épisode où l’eau-dedans palpite et s’agite, où l’eau-dessus de tout se nomme Jérémie, intervalle où vivre d’amour et d’eau fraîche prend tout son sens, créneau où les rêves échangés sur les berges de la rivière des Mille-Îles coulent au rythme du courant.
Eautrefois rois, les parents se retrouvent valets.
Puberté, nubilité se transforment pour éclore en maturité. Les eauxiliaires parentaux artisans de cette création s’effacent pour devenir spectateurs tandis que la novice emprunte la route déjà tracée tout en conservant le privilège de la paver à sa guise.
Arrivés à l’eautomne de leur calendrier, les procréateurs à l’apogée du bonheur, gambadent en sueur derrière une marmaille d’enjôleurs.
La vie se fait éternel recommencement.
L’essentiel, après avoir traversé mille îles, assis sur un nuage dans l’eau-delà, la tête ornée d’une eauréole se résume à pouvoir déclarer fièrement :
— Je ne revivrais pas ma vie eautrement!
Enlever l’eau de l’histoire d’une vie, qu’en resterait-il?
Françoise Mayer
23.
Le rouge de l’hiver
Rouge. L’odeur d’un souvenir d’automne se profile quelque part dans mon esprit.
Le blanc incandescent de l’hiver cache les feuilles ensanglantées qui se reposent enfin.
Les silhouettes fantomatiques des arbres se mirent dans la glace de la rivière.
Les cris des mouettes ne dérangent plus le silence marmoréen de l’entendue glacée.
Dépossédées de leur poids, les gouttes d’eau prennent des formes mystérieuses.
Un flocon par ici, un autre par-là déposent des baisers virginaux sur les rivages endormis.
Le parfum sauvage des algues attend le printemps pour se réveiller.
Les voyageurs fatigués se reposeront de nouveau sur tes berges.
Ginestra Morar
24.
La rivière des Mille-Îles m’inspire
Elle prend sa source d’un lac si vaste, une mini mer intérieure. Elle roucoule tout d’abord telle une colombe contre un pilier, un rocher, puis gagne en force et en vitesse telle une buse descendant vers sa proie.
Autrefois, tout près du lac des Deux-Montagnes, les Iroquois jetaient des filets juste au-dessus du lit de calcaire.
Aujourd’hui, des pêcheurs y tendent leur ligne l’été, tandis qu’à l’automne le cours d’eau devient une autoroute à outardes.
Le matin, les banlieusards pestent sur les ponts engorgés, à l’heure où la rivière garde son calme millénaire. Elle va son chemin sous l’écume ou sous la glace vers le fleuve de Félix et de Vigneault qu’elle abreuve.
Çà et là, des îles en chapelet nous dévoilent d’anciens chalets coquets, souvenirs d’une époque et d’une campagne pas si lointaines.
Il arrive encore qu’un plaisancier en canot salue les hérons et les colverts dans ce dédale aquatique et végétal. De temps à autre, un renard roux se montre le museau et un coyote fauve s’esquive entre des roseaux.
Revenons la contempler, elle qui borde nos cités de la Rive-Nord de l’ouest à l’est, de l’amont vers l’aval, baisant aussi l’île Jésus en sa partie septentrionale. De la rivière des Mille-Îles, nous ne sommes jamais déçus de ses airs parfois bourrus ou de la brise qui lui dessine tantôt de menus ourlets.
Denis Morin
Deux-Montagnes, ce 16 octobre 2018
finaliste
25.
Mille îles
Mille îles
Mille marais
Profusion de remous
Étalage de tourbillons
Voilà que tu t’étends, te répands
Bien à plat entre les bras de la ville
Tu caresses toutes tes îles et tes rivages
Où vivent tortues, canards, castors, rats musqués
Le grand héron est en chasse, planté sur une patte
Par-dessus sa tête, la buse a repéré le même poisson
La pose dinée est dérangée par les cris des oies sauvages
Un canot passe, les avirons plongent doucement dans l’eau
Deux jeunes gens s’enfoncent avec respect dans ce conte de fées
Maintenant il fait nuit et tous les promeneurs sont partis, toi tu rêves
Comme portée par les gènes de ton eau, tu remontes vers le nord-ouest
Une pulsion, un grand souffle te pousse, tu remontes aussi le temps
Tu traverses le lac des Deux-Montagnes, abordes l’Outaouais
Tu rencontres les belles que je connais; la rivière du Nord
La Rouge, la Petite Nation, la Gatineau, la Lièvre
Et tous les ruisseaux que je ne connais pas
Tu es en quête de ta pureté virginale
De ta beauté originelle
Du sens du sacré
De l’amour inconditionnel
Que ceux des bois te portaient là-haut
Marguerite Morin
hors-concours
26.
Les mille îles
L’eau trépide le long des berges
caressant les ponts et les îles.
Elle piétine le rivage au gré du vent.
Le courant traverse ma rivière
semant la joie sur mes étés
le clapotis de l’eau perle sur ma peau.
Un frais souvenir de mon enfance
baigne mon cœur de douceur.
J’ai souvenir de sa faune aquatique.
Les petits ménés nous chatouillaient les pieds.
Les écrevisses que nous débusquions
pour jouer au plus brave des copains.
Et oui elle s’accrochait au bout de nos doigts
le visage crispé par la surprise et la douloureuse sensation.
Bien assis sur la grosse pierre à pêcher le crapet et la perchaude.
La rivière des Mille-Îles a contribué à mon essor.
J’ai combattu la peur de l’eau
j’étais le capitaine de mon environnement.
Allez, moussaillon! En avant toute
Mille milliards de mille sabords.
Comme Jules Verne j’explorais
Les mille lieues sous la rivière.
Gérard Paré
finaliste
27.
Rivière des Mille-Îles
Mon nom en dit long, mille îles
Je suis eau vive, et refuge faunique
Mon nom et mes eaux sont magiques, ludiques et mystiques
Et certains entendent même ma musique
En moi vit tout un monde
Au-dehors vit tout un autre monde
Des milliers de gens dépendent de moi
De grâce, entendez mon appel
J’en appelle à votre conscience
Les hommes de sciences vous le rappellent
Eaux secours,
Je vis une grande tristesse
Mon monde est en détresse
Mon univers est à l’envers
Mon monde se meurt
Pour vous, j’ai peur du grand malheur
Dois-je rappeler mon histoire, ma richesse
Autrefois les anciens remplis de sagesse
Me reconnaissaient avec allégresse
Les générations passées ont apprécié ma vraie valeur
Éprouvant inspiration et bonheur
Se sont nourris, et ont parcouru mon étendue
Je suis vaste à perte de vue
Plusieurs ont vu et parlent des ondines
Et des muses qui s’amusent à inspirer les gens de cœur
Autochtones, coureurs des bois, et patriotes en ont vu de toutes les couleurs
Je suis rivière, mes sœurs et mer sont en danger
Vous, les grands de ce monde
Ne soyez pas immondes
Ne nous vendez pas aux plus offrants
Simplement pour de l’argent
Ou pour l’or noir
Nous sommes de l’or, de l’or bleu
Pour certains, on vit dans le même monde
Mais ne sommes pas sur la même longueur d’onde
Aujourd’hui mon monde est à la dérive
Et sans moi votre monde ne peut survivre
Josée Pelletier
28.
Ô belle rivière des mille et une îles
Ô belle rivière des mille et une îles,
Rivière séculaire, nourricière, source de vie.
Mon amie joyeuse, paisible, impassible,
Matrice des îles, joyau des Laurentides.
Les arbres centenaires indolents, surplombent
Ses habitants et s’abreuvent de son élixir.
Lumineuse comme les facettes d’un diamant,
Quand le soleil s’éveille et s’accroche au courant d’eau,
Couverte d’un linceul doré.
Dans la brume du matin,
Tu deviens une planète d’eau gazeuse,
Glissante tel un miroir gelé,
Tu brilles de mille feux.
Le long de tes courbes et méandres,
La vie foisonne et se multiplie.
Lorsque le ciel est gris, ton humeur change et,
Tu voyages à contre-courant.
À chaque instant des quatre saisons,
Les pêcheurs, les randonneurs,
Les oiseaux, les colverts, les quatre pattes,
S’éclatent près d’elle.
Belle rivière, caressante, déambule chaque matin,
Sans oublier le moindre rond de pierre.
Depuis toujours, comme d’autres rivières avant toi,
Vénérée comme le Nil et le Gange,
Coule l’eau de vie sacrée,
Qui remplit le ventre et sanctifie les impurs.
Jamais pareille, ensorcelante, mal aimée, mal protégée,
La main de l’homme l’a meurtrie.
Elle n’est plus aussi propre, les déchets l’ont envahie,
Elle si forte, lutte pour la vie.
Le poisson n’est plus aussi bon,
La rivière n’est plus la mère,
Les enfants ont déserté la rivière.
Ô belle rivière des mille et une îles,
Je rêve de te soigner et te nettoyer.
Les hérons, les tortues continueront de t’aimer.
Je t’admire, tu m’inspires, tu me calmes.
Je fais partie de toi, naviguant parmi les nénuphars, sous le regard des bernaches.
Je fonds comme une goutte d’eau, qui suit ta danse de la vie.
Nicole Pichette
29.
Mystérieuse rivière des Mille-Îles
La rivière des Mille-Îles fut le témoin discret, je dirais même l’instigatrice, de l’éclosion d’un amour passionnel.
Le courant de la vie m’avait échouée non loin du lieu mythique où le lac des Deux-Montagnes donne naissance à plusieurs rivières dont la rivière des Mille-Îles qui, entre autres, baigne l’île Jésus.
La ville de Deux-Montagnes a érigé une belle et vaste bibliothèque qui donne sur la rivière des Mille-Îles. Ne bénéficiant pas d’un bord de l’eau, j’aimais aller y travailler l’après-midi tout en rencontrant certains abonnés qui sont par la suite devenus mes amis.
Le coin café donne sur la rivière et c’est là que nous nous retrouvions souvent en fin d’après-midi pour des discussions sans fin sur les livres ou sur des questions existentielles. La rivière qui ici prend l’allure d’un fleuve bordé d’un côté par Deux-Montagnes/Saint-Eustache et de l’autre par Laval-Ouest, nous calmait de l’angoisse de vivre, nous faisait oublier nos problèmes quotidiens et nous emmenait dans des contrées lointaines que nous rêvions de visiter. Là, nous pouvions transcender la réalité qui n’est jamais parfaite. Tout redevenait possible devant cette vue de début du monde. Évidemment nos âmes de poètes y trouvaient aussi l’inspiration.
Un lien spécial commença à se développer entre moi et un de ces rêveurs, particulièrement fidèle à ces rencontres quotidiennes amicales. Plus nous parlions, plus nous découvrions que nous possédions un grand nombre d’affinités. Nous aimions particulièrement écrire et lire. Nous rêvions d’être publiés. Nous aimions aussi la nature et le vélo.
Il m’emmena ainsi découvrir l’autre rive de la rivière des Mille-Îles, Laval-Ouest, à pied ou en vélo. Nous traversions le pont-barrage qui enjambe la rivière des Mille-Îles entre Deux-Montagnes et Laval-Ouest. Là, souvent, nous rencontrions des pêcheurs qui taquinaient le poisson. En effet, c’est un endroit réputé être très poissonneux. Nous prenions ensuite la piste cyclable qui longe la rivière des Mille-Îles, à Laval-Ouest. Les eaux à cet endroit deviennent tumultueuses comme parfois nos pensées, pour se calmer plus loin en pleine harmonie avec la nature environnante. Nous nous arrêtions souvent, soit pour observer un canard qui descendait le courant, soit pour admirer les berges boisées se reflétant dans l’eau devenue plus placide. Lorsque nous atteignions les plages de Laval-Ouest, nous nous asseyions sur un banc pour nous reposer, nous désaltérer et contempler à l’horizon les villes de Deux-Montagnes et de Saint-Eustache, dont les clochers se profilaient au loin. Nous étions de l’autre côté, loin de chez nous, au milieu d’une nature accueillante, compréhensive, parfaite et magnifique. Nous recommencions une autre vie sans souci sans problèmes, juste nous deux dans les effluves d’une rivière hors du temps. D’où cette eau venait-elle, où allait-elle? En y réfléchissant, cette eau avait pris naissance hors de notre planète Terre, dans un cosmos aussi lointain que mystérieux pour donner naissance un jour à la Vie. Et c’est cette Vie dont nous jouissions aujourd’hui dans toutes ses manifestations extraordinaires, là, juste devant nous. Exaltés par tant de magnificence, le cœur débordant de gratitude, nous nous sommes un jour serrés l’un contre l’autre puis laissés aller à un baiser passionné.
Janine Pioger
17 octobre 2017
30.
Promesse indélébile
J’avais à peine huit ans quand mon père me mit sur ses genoux, pour me raconter des histoires sur la rivière devant nous. Des contes d’un pirate se promenant sur un navire, pétant des bulles de savon avant d’en éclater de rire.
Sur une île un trésor serait enfoui.
Rempli de bonbons et d’autres sucreries. J’adorais les récits de mon père et les écouter, mais une autre pensée venait me ronger.
L’eau devant moi scintillait, semblait m’y inviter.
Je dis à mon paternel que je voulais me baigner.
Ce dernier secoua la tête, désolé.
« L’eau de la rivière est trop polluée. »
Pour appuyer ses mots, un poisson gisait sur la rive.
Ce fut pour moi la situation décisive. Du haut de mes huit ans, je me suis juré qu’un jour, les enfants pourraient se baigner dans ma chère et mystérieuse rivière des Mille-Îles.
Une promesse à l’encre indélébile.
Maelly Rompré-Pepin
31.
De la Mille-Îles dans les veines
Au son sourd de cette eau qui me coule dans les veines
De ces rapides qui bourdonnent dans mes oreilles
De ces bouillons blancs qui me réveillent
La Terre-Mère me chuchote sa peine
J’écoute, goutte à goutte…
Coûte que coûte
Cette complainte me va droit dans le Mille-Îles
Berceau de la vie, notre Mère nourricière nous raconte
Mes enfants les hommes ne se rendent pas compte
Assoiffés de pouvoir et d’énergie facile
Se croient-ils dans un conte des mille et Îles nuits?
À travers le clair-obscur de ma rivière millénaire
Ne voient-ils pas qu’ils sont déjà millionnaires?
Je leur offre ma terre par mes Mille-Îles-vies
J’écoute, goutte à goutte…
Coûte que coûte
Le ruissellement de leur surabondante consommation me pollue l’existence
De belles actions sont prises pour me protéger de leur folle avidité
De belles paroles s’envolent sur les ailes du grand héron de l’espérance
Les amants de la nature chantent ma gloire avec fierté
Mais tout cela n’est pas assez, je sortais de mon lit et je débordais
Je les inondais de toute ma passion jusqu’à leurs belles maisons
Le barrage du Grand-Moulin est né pour toute compréhension
Du grand des Deux-Montagnes et de la belle des Outaouais
Cessez votre guerre intégrale contre la nature1
Je ne suis pourtant pas sourde aux silencieuses prières
Des milliers de personnes qui s’abreuvent à ma rivière
À travers l’éclat de ma lumière, j’entends l’écho de vos murmures…
J’écoute, goutte à goutte…
Coûte que coûte
Mais j’ai peur qu’il ne me reste assez d’eau-de-vie
Tandis que je la contemple adossé contre un tremble
Toute cette eau qui veut couler où bon lui semble
En s’insinuant à travers mes îles et enivrant mon esprit
J’écoute, goutte à goutte…
Coûte que coûte
Rivière, je t’aime
(Tiré du livre Sur les chemins noirs, de Sylvain Tesson)
Steve Saint-Pierre
32.
Rivière des Mille-Îles
Nous étions en juillet 2012, avec une chaleur tropicale. Moi et la baignade, quelle belle alliance! Mon sport favori : entrer dans le ventre des rivières. C’est me sentir à la maison. Le sang de Gaïa, MA maison. J’étais à Sainte-Rose, je me lançai à la recherche de la rivière qui longeait cette ville. Le ciel était silencieux, une merveilleuse journée s’annonçait.
Arrivée devant la nappe d’eau, à mon grand désespoir, le paysage s’assombrit. Ah! comme j’étais triste de constater les flots de cheveux bleus noircis de l’aphrodite marine et constater combien sa route avait été amère! Le droit de se baigner était prohibé! Je voyais bien que l’homme avait transmis son héritage! Il avait insulté sa beauté en l’emprisonnant dans sa révolte inconsciente, ils ont sali son intégrité à nous maintenir en santé. Toi Vénus, jadis éternelle! Je ne peux décrire en mots comment l’homme n’avait pas vu ton immense lyre. L’homme cruel est insondable. Lui qui se croit invincible, sans toi il ne réalise pas qu’un jour son sourire disparaitra!
J’aimerais te voir bondir, libre, et refleurir comme une fleur au travers la neige du printemps. Je serai ton éternelle voix, ferai découvrir la splendeur de ta riche nature, au cœur ouvert, j’éveillerai les morales pour toi!
J’entends tes sanglots, trop d’orages ont pesé sur la balance, ta dentelle est devenue grise, ta colonne s’est détraquée, plus d’un éclat de lune a bondi en fureur sur ta fragilité, hurlant et harcelant ton identité. Trop sont venus rôder en malfaiteurs. Tu t’es résignée et attends en silence ta délivrance en regrettant ta jeunesse. J’ai vu ta détresse de ne pouvoir égayer les enfants, nourrir, et de ne plus faire partie de nos corps.
Ce secret que tu portes silencieusement, j’en ferai un poème pour défendre l’injustice à ton égard, toi qui étais si bien enlacée à la terre! Toi, si généreuse! Toi, devenue muette. Je capte le bleu de tes pensées. Tu as courbé l’échine, à fleur de peau, mon âme sensible face à face à ta réalité me chagrine, toi qui a tant besoin de liberté, si coincée dans le morose de ton parfum, si je pouvais rallumer la vie en te berçant d’amour.
J’ai comme l’impression de déranger ton état de deuil. Ta fusion avec la rive semble dans un climat de divorce! Je voudrais bien te dire que l’on vit dans un monde de dingues, mais ça ne te remettra pas l’esprit en paix! Toi aussi tu as dû rêver de rester enfant, à cette innocence éternelle, d’une vie parfaite. Pourtant, tous les deux, on a bien compris combien le monde peut être cruel, que le jeu des nuages peut tromper. Aujourd’hui, par les poèmes, je noierai le silence de cette injustice qui t’a porté préjudice. J’élèverai ma voix pour soutenir ta cause et que le soleil noir disparaisse à jamais.
Ton alliée, Marie-Annie Soleil
15 octobre 2017
Merci à tous les participants!