«La rivière Richelieu m’inspire» (2017): concours littéraire Ambassadeur de rivière

Richelieu remake

Un projet littéraire célébrant les rivières du Québec aurait été incomplet sans la voix des collégiens. Je remercie Marie-Pierre Genest, professeure au Cégep de Sorel, d’avoir accepté d’être la porte-parle du Richelieu et d’avoir invité ses élèves en création littéraire à participer au concours. Vous trouverez ci-dessous le texte de la lauréate ainsi que les textes d’étudiants qui ont accepté d’offrir leur texte pour participer à cette célébration des 20 ans de Coalition Eau Secours!

La remise des prix aux finalistes et à la lauréate s’est déroulée à la bibliothèque du Cégep de Sorel-Tracy. Pour lire l’article sur le site du Cégep, rendez-vous sur ce lien.

Nous remercions la Ville de Sorel-Tracy ainsi que le député Sylvain Rochon pour leur support à ce projet!

Vie et santé à nos rivières!

Nancy R Lange, présidente de RAPPEL: Parole-Création

représentante des Porteurs d’eau pour Coalition Eau Secours!

créatrice et organisatrice du projet Ambassadeurs de rivières

 


1.Evelyne Mandeville Richelieu

Richelieu

La rivière Richelieu fut, au jeune temps de ma grand-mère, un magnifique cours d’eau bordé de terres agricoles, de boisés et de quelques habitations par-ci par-là. Il s’agissait d’un lieu paisible où l’eau était peu polluée, claire, limpide.

Je me souviens bien de ce que Mamy me racontait à propos de cette rivière et des nombreuses péripéties de sa jeunesse qui s’y sont déroulées. Sa demeure se trouvait en bordure de l’eau, à moins de quatre kilomètres de l’endroit où le Richelieu se lance dans le fleuve Saint-Laurent. Tout l’été, elle traversait la rivière à la nage avec ses sœurs : « On pouvait presque voir jusqu’au fond tant l’eau était claire. »

Lorsqu’elle me racontait ses histoires, je pouvais ressentir sa nostalgie, presque la vivre. Ce qui m’attristait était que je ne pouvais pas imaginer les lieux comme Mamy a pu les voir de ses propres yeux. Les industries, la pollution et l’implantation de quartiers résidentiels ont tellement modifié cet endroit de rêve qu’il s’en trouve méconnaissable. J’aurais tant aimé vivre au temps de ma grand-mère, c’est à croire que je n’ai pas eu de chance, que je suis née deux générations en retard. Je ne veux même pas tenter d’imaginer ce dont le Richelieu aura l’air d’ici deux autres générations. Le temps avance si vite, les choses se dégradent si rapidement, comme Mamy.

La rivière Richelieu est atteinte d’une maladie qui la ravage. La pollution la tue peu à peu. Tout comme le cancer détruit Mamy, la rivière se meurt à petit feu.

Evelyne Mandeville

15/10/2017


2.

La Richelieu

La Richelieu est une rivière

Belle comme ceux qui prennent son bon air

Qui semble si paisible

C’est la partie visible

 

Autant de gens ont souffert

Ses remous qui sont d’enfer

Inondation sans barrière

Ensuite elle se calme

Se calmera

 

Tout ce qu’elle est et son long passé

Son histoire qui a voyagé

Des siècles sans changer

Ensuite elle s’anime

S’animera

 

Détruisant toute notre belle flore

Ainsi que notre faune d’or

La vie n’est qu’attention

Arrêtons la pollution

 

Elle reste et restera

Elle reste et restera

Geneviève Auger et William Auger


3.

À l’âge de sept ans, j’habitais une petite maison en brique rouge, près de la campagne. De ma cour arrière, je voyais la splendide cascade des écluses de Saint-Ours et le village de Saint-Roch-de-Richelieu.

Un jour, j’ai eu une idée. Je désirais connaître la vie de ces gens qui croisaient ma demeure. J’ai alors illustré sur une feuille ma maison, et j’y ai inscrit : « Jaimerè conaitre ton histoir ». Après avoir écrit mon adresse sur mon dessin, je l’ai roulé dans une bouteille de vin vide et je l’ai lancé à l’eau. Tous les jours du mois qui a suivi, j’allais voir à la boîte aux lettres si quelqu’un m’avait répondu, mais je revenais bredouille.

Aujourd’hui, j’ai 19 ans et j’habite toujours cette maison de brique rouge. J’ai commencé à créer ma propre histoire dans cette petite ville. La semaine dernière, j’ai enfin reçu la réaction que j’attendais depuis si longtemps; la voici.

Bonjour toi.

J’ai trouvé ta bouteille échouée sur la rive de l’île Deschaillons. Je te renvoie donc ton œuvre d’art avec mon histoire.

Je m’appelle Paul Cournoyer et je viens de fêter mon 101e anniversaire. J’ai grandi seul avec ma mère dans un petit appartement dans le quartier le plus au nord de Tracy. Les gens du village nous abhorraient puisque ma mère était une femme non mariée et avec un enfant.

En 1932, celle-ci est décédée d’un cancer des poumons. Conséquemment, j’ai dû abandonner mes études à l’école de Saint-Joseph à cause d’un manque d’argent. C’est cette même année que le pont Turcotte a vu le jour, je ne pourrais dire si c’était une bonne idée en raison des conflits entre les deux villes.

En 1937, malgré les dires de mes voisins, je suis allé vivre à Sorel pour aider à la construction de la Marine Industrie. Entre 1939 et 1945, j’ai continué à travailler dans cette usine indispensable à la fabrication de navires de guerre. Lorsque le conflit a cessé, je me suis acheté un splendide voilier que j’ai pu payer avec l’argent que j’avais amassé en vendant ma maison. J’ai décidé de voguer jour et nuit sur le fleuve et la rivière. Je réalisais enfin un de mes grands rêves. De mon embarcation, j’ai pu voir les deux belles villes, où j’ai vécu, prendre de l’envergure. J’étais présent, en 1949, lors de la construction de Quebec Iron and Titanium Company. J’étais présent, en 1968, lors de la fabrication du pont de la 30. J’ai entendu parler, en 1980, de la construction du Cégep à Tracy. J’ai envié les étudiants qui y iraient. J’étais présent, en 2002, lorsqu’il y a eu le tragique accident du bateau qui a heurté le pont des Chars…

Aujourd’hui en 2017, je t’écris couché dans mon lit parce que je peux à peine marcher et je crois qu’il ne me reste que quelques jours à vivre. Alors, j’aimerais que tu partages mon récit avec tous ceux que tu connais.

Un vieux matelot ravi d’avoir pu te raconter son histoire.

Darcie Beaulieu


4.

Et puis quoi?

Un jour, dans une rivière,

Les gens y ont versé leurs eaux usées

On venait de gagner du temps

On a répondu simplement

Et puis quoi?

 

S’en est suivie rapidement

L’industrialisation agricole

Comme une passoire laisse passer les restants

On a répondu simplement

Et puis quoi?

 

La quête de produits d’une perfection absolue

Dans la rivière, on en jette aussi les résidus

Ça s’accumule, ça finit plus

Et puis quoi?

 

Et puis encore et puis s’ensuit

L’eau résiduelle des industries

Qui coule aussi dans notre chère rivière

Nous avons répondu simplement

Et puis quoi?

 

Il y a plus d’industries moins d’champs

Mais toujours plus de pollution

Comment est-ce possible

Nous avons répondu simplement

Et puis quoi?

 

Les Grands Lacs américains

Pollués en grand s’écoulent aussi dans la rivière

Les enfants n’iront plus jouer dedans

Et puis quoi?

 

On fait le nettoyage des berges

La construction d’usines de traitement

On crée de la règlementation, mais c’est insuffisant

Nous avons répondu simplement

Et puis quoi?

 

Comment réduire la pollution

Il manque pas de solutions

Pourtant notre belle rivière on l’a rendue malade

C’est tu qu’on veut rien faire pour répondre simplement

Et puis quoi?

Julie Gaudet

( Le poème est inspiré de la chanson C’est combien? de Fred Pellerin, sur l’album Plus tard qu’on pense, 17 novembre 2014)


5.

L’inspiration d’une rivière

Je vous propose de regarder les rivières du Québec avec une vision différente. Il ne suffit pas de passer sur le pont de Belœil et de savoir qu’il y a la rivière Richelieu au-dessous de nous. Pendant un instant, imaginez la vie comme l’essence d’une rivière. Les courants qui passent rapidement sont comme le temps qui file. Celui-ci vogue si vite, parfois, que les moments de plaisir n’ont pas pu être savourés à leur juste valeur.

Il faut prendre un canot et descendre à pleine vitesse, dans le fil des rapides de la rivière Rouge, dans les Laurentides. Pour faire suite à cette idée, il est tout aussi possible de décider de regarder la rivière au loin et de s’inspirer de son calme afin de prendre des décisions réfléchies. Il en est de même avec la vie. Il suffit de se lancer dans l’aventure abrupte de l’existence humaine ou de s’agripper aux rochers de la rivière pour essayer de survivre en cas de détresse. C’est aussi de prendre le temps de s’accrocher aux rochers qui peut aider à ne pas se noyer, autrement dit, à ne pas sombrer. C’est aussi se donner le droit de s’appuyer sur ce rocher et de réfléchir à sa raison de vivre. Il y a trois façons d’intégrer la rivière dans sa vie. La première est de prendre le temps de marcher au long de la rivière et de s’assoir tout près pour écouter l’accalmie qu’elle apporte. La deuxième est celle de prendre le canot, d’admirer le paysage qui l’entoure et de descendre la rive tranquillement. Et la dernière est celle de prendre des risques avec toute l’adrénaline que cela implique. Descendre la rivière Rouge en rapide, ne pas avoir le temps de contempler ce qu’il y a autour et de se jeter dans le vide. S’aventurer dans l’inconnu total. C’est comme oser sauter sans savoir où l’on va atterrir. Dans la rivière, il y a toujours un risque de descendre le courant sans savoir comment se passera la descente. Nous avons toujours la possibilité de choisir.

Un seul choix possible s’impose à moi, celui de descendre la rivière de façon rapide, puisque je préfère prendre un risque plutôt que de procrastiner. En choisissant de devenir éducatrice spécialisée, je ne connaissais pas les défis que cela impliquerait. Je me suis lancée sans avoir la certitude de ce que je ferais. Je me rends compte que je suis mélangée comme la rivière pure et la pollution qui s’entrecroisent. Aujourd’hui, je choisis mon bonheur plutôt que de m’ancrer dans les blessures de mon passé. Par conséquent, cela me permet d’évoluer et de vivre, chaque seconde, de ma descente en « rafting ». Je ne vois plus le temps de la même façon, car j’ai décidé de vivre mon moment présent, sans regarder derrière. Parfois, il suffit de s’engager dans une eau inconnue et de vivre ce moment comme si c’était le dernier. Malgré les risques des rapides, je prends le bateau et je descends rapidement le courant, afin d’atteindre chacun des objectifs que je me suis fixés, lors de cette descente. Il y aura probablement des obstacles qui viendront se présenter pendant la chute, mais une fois que j’aurai atteint le bout de la rivière, je pourrai m’estimer courageuse d’avoir traversé ses vagues intrépides.

Sophie Racine-Bullock

25-10-2017


Merci aux participants!