
PROJET AMBASSADEURS DE RIVIÈRES – Volet 2
Concours « La rivière du Nord m’inspire »
Voici les textes qui ont été colligés au cours de l’année 2016, dans le cadre du concours La rivière du Nord m’inspire. Celui-ci s’inscrit dans continuité du concours La rivière des Mille-Iles m’inspire, que j’avais organisé en 2015 pour souligner le 50e anniversaire de la jeune ville de Laval.
À cette époque où le maire Marc Demers prit publiquement position contre le passage d’oléoducs sous le lit des rivières, une action amenant une mise en valeur de celles-ci me semblait particulièrement pertinente.
En voyant l’enthousiasme des participants à voir leur texte mis en ligne sur le site du Parc de la Rivière-des-Mille-Îles et en constatant l’impact positif sur le parc, j’ai décidé de poursuivre le projet et ce qui devait être une action autour d’une seule rivière est devenu le projet Ambassadeurs de rivières.
Dans chacun des ces deux concours, oui, il y a onze finalistes et une personne gagnante qui devient ambassadrice de la Rivière du nord. Mais le plus important, c’est que chaque voix compte et se joint aux autres. Chaque personne qui a pris le temps d’écrire un texte voit celui-ci s’inscrire de façon permanente pour soutenir l’organisme qui s’implique à protéger la rivière.
Prendre la parole littérairement, c’est refuser d’être réduit à l’impuissance. Que ce soit sous la forme de poème, d’anecdote, de lettre ouverte ou de manifeste, les textes colligés témoignent de l’émerveillement, de l’attachement ou des inquiétudes de leur auteur(e) concernant la rivière et se portent à la défense de celle-ci par un acte de création.
Je remercie mes partenaires, la Fondation de l’eau Rivière-du-Nord, Parc Régional de la Rivière-du-Nord, Coalition Eau Secours!, RAPPEL: Parole-Création (Regroupement des auteurs professionnels, publics et émergents lavallois) et mes commanditaires, Librairie Carcajou de Rosemère, Gariépy Bussières CPA, Claude Cousineau député de Bertrand et le jury, Monique Rouleau-Pariseau, auteure et Martine Chatelain, présidente de Coalition Eau-Secours!
Merci à tous ceux et celles qui ont participé et bonne lecture à vous!
Nancy R Lange, auteure, représentante des Porteurs d’eau pour Coalition Eau secours et présidente de RAPPEL: Parole-Création
*** Concours fermé ***
Sans plus tarder, passons aux textes!
1.
La rivière du Nord
Ta présence rassurante martèle le temps sur l’enclume du renouveau. Tu es toujours là depuis des siècles et tu n’es jamais pareille. Tes eaux sombres coulent, en enfonçant ton lit dans l’argile de ma vallée. Tes berges abruptes sujettes aux glissements de terrain sont souvent inhospitalières. Parfois elles se font douces, comme devant chez-moi, pour mieux nous accueillir.
Mes parents m’ont appris à te craindre, à te respecter et à t’aimer d’un amour que la connaissance fait grandir.
Tu prends ta source dans le lac Brulé, là-haut tu n’es qu’un ruisseau. Sur ton parcours tu avales goulument tes affluents et t’en nourris. Quand tu traverses mon village, je connais ton chemin par cœur. Au bout de ta route, grosse de toute l’eau que tu portes, tu vas te jeter dans la grande rivière des Outaouais.
Tu es magique, tu coules de toute ta largeur sans répit, sans cesse. Tu es mythique, mère de légendes. Tu es aussi tragique, gardant pour toi de grands secrets, dont ceux de mon amie qui est disparue sous ta glace.
Dans les montagnes, les arbres te bordent avec amour et protègent tes flancs escarpés. Si tu cours dans la vallée, te voilà devenue succession de méandres, de petits lacs et de marais. Depuis longtemps, du temps où tu étais la route, des villages se sont installés sur tes rives. Aux chutes Wilson, sur le site de l’ancien moulin à bois, tu te laisses glisser sur les galets et tu tombes du haut des rochers. En bas c’est la ville, que tu traverses au bonheur des citadins. Tu vas ensuite t’étendre dans la plaine, où je te perds de vue.
Chemin, porteuse d’eau et de rêves, mère nourricière, créatrice de beauté. Tu chantes et danses, tu frémis, tu brilles et tu roucoules. Tu as sculpté un havre de paix dans la pierre grise, en songe, j’y ai vu les canots de mes ancêtres amarrés au gros bouleau.
Tu es tellement belle quand, lisse comme un miroir, tu nous renvoies l’envers de l’image du paysage. Tu ne sais que parler de calme, de beauté, de fluidité. Au printemps c’est ta force et ta fureur qui l’emportent, tu broies des blocs de glace qui s’empilent en grinçant et forment des embâcles.
Aimante, tu es un refuge pour les animaux. Si je descends le fil de l’eau, je surprendrai un castor qui gruge une branche. Je découvrirai le rat musqué qui tente de se faire oublier, la tête à peine sortie de l’eau. Quand le froid revient, ce sont des outardes en voyage qui se reposent dans une baie calme, et l’hiver, les chevreuils aux aguets suivent leur sentier tracé au milieu de ta surface gelée.
Je t’aime tant, je rêve de me jeter dans ton eau froide, de sentir ta caresse sur ma peau, de te ramasser dans mes mains jointes, pour te boire comme le faisaient les anciens.
Comme une artère tu transportes le sang de la terre, l’eau, nibi et la vie.
Marguerite Morin
Ambassadrice de la Rivière-du-Nord
2.
La rivière
Coule depuis des âges, infatigable
Rivière, fougueuse source de vie,
Tes eaux, ton parcours non navigable :
Je t’admire, je te crains, tu me ravis.
Je n’ose t’approcher, tu grondes,
Tes chants, tes cris m’assourdissent;
Les abîmes de la terre, tu les sondes,
Ses creux, ses écueils, ses abysses.
Tu m’effraies, rivière inlassable,
Tu inspires la crainte sur ton lit :
Même les barrages les plus inébranlables
S’écroulent à ton passage, ma jolie.
Belle rivière, tu es si magnifique,
Ton écume, tes vagues, ta brume, m’enchantent,
Tu es majestueuse, paysage féérique,
Agréable que tu es, chancelante, haletante.
Tu me fais rêver à tes bords,
Tu es ruisselante et chatoyante,
Au son de tes gouttes, je dors,
Rivière de bonheur bienveillante.
Tes eaux coulent dans les veines des arbres,
Dans mon cœur, mon corps et mon esprit.
Les jours heureux ou les nuits macabres
Tu déboules sans crainte, sans mépris.
Emporte-moi, grande rivière!
Soulage-moi de mes grandes douleurs,
Projette-moi aux confins de l’univers,
Délivre-moi de ma torpeur.
Dépose-moi sur une rive ancienne
Aux cristaux de sable flamboyants,
Où les veines des cèdres me retiennent,
Telle une forteresse devant les assaillants.
La rivière m’a déposée, la terre m’a enveloppée,
Je germe au pied de la montagne sacrée :
Enfin mon âme repose en paix
Car elle a si longtemps erré.
Frida Aoun, finaliste
Extrait de son recueil
3.
Ma compagne
Il fait beau et chaud. Une petite brise rafraîchissante glisse jusqu’à moi. Le bord de l’eau est fascinant du matin au soir. Ces transformations me révèlent le miracle de l’eau. La nature, autant que l’homme, a besoin de cette source d’énergie pour vivre et grandir. L’eau coule devant ma maison et m’éblouit.
Ce soir, la lune l’illumine de milliers d’éclats. Elle revêt ses plus beaux atours en cette nuit de lune bleue. Ses rayons d’or me fascinent, me captivent, me portent vers des ailleurs infranchissables. Ses minuscules scintillements m’éclairent. Mon cœur s’emballe et je me laisse bercer par sa douce lumière.
Une trace argentée traverse ma rivière tissant un pont entre les deux rives. Mes rêves passent d’une rive à l’autre, se mêlent, s’entremêlent. Ce sillon lumineux est un ravissement pour les yeux et le cœur. Dans le silence de cette nuit de juillet, j’entends le bruissement des arbres et les légers clapotis de l’eau me chatouiller les oreilles. Ma rivière ramène mes songes et guide mon esprit vers un monde meilleur, ouvert sur l’infini.
L’eau, notre eau, cette richesse inestimable donne vie, la vie. Je bois à cette vie, une vie pour les générations à venir.
Christiane Asselin-Roy
4.
cailloux vermoulus
dans le lit de la rivière
se font une beauté
Lyne Boulet
5.
Le tourbillon des eaux
Ce matin-là, un soleil éclatant se reflétait sur les eaux du lac des Deux Montagnes, à l’embouchure de la rivière des Outaouais. Comme à chaque changement de saisons, le tourbillon des voix de rivières s’était formé durant la nuit. Les gouttes qui y circulaient attendaient fébrilement « Leurs Moments » : le premier, où elles prendraient la parole, et le deuxième, celui où elles seraient projetées vers le grand fleuve.
Le tourbillon était constitué de gouttes qui représentaient la grande rivière des Outaouais, cette rivière qui s’étire sur plus de 1 200 km, ainsi que des gouttes des rivières de « moindre importance » qu’elle accueille, tout au long de son parcours. Les gouttes y sont en proportion de la longueur de la rivière dont elles sont issues.
Avec ses 130 km, la rivière du Nord est la plus courte. Ses représentantes étaient donc les moins nombreuses. Elles étaient aussi les dernières à s’exprimer dans le cercle de parole de ce tourbillon de voix.
La goutte qui s’exprima au nom de la courte rivière, en était une tout à fait singulière! Elle avait suivi le parcours non pas une fois, mais « deux » fois!
Sa première descente s’était effectuée alors qu’elle venait d’émerger d’une source souterraine nourrissant le lac Brûlé, au nord de Sainte Agathe. Celle qu’elle venait de compléter (à peine plus de un kilomètre en amont) avait été un « retour » à la source, alors qu’un orage l’avait déversée… sur le lac Brûlé!
À défaut d’avoir coulé longtemps dans un même lit, elle avait coulé deux fois dans le même lit, en deux temps différents, en deux époques.
Elle a donc raconté que sa première coulée lui avait fait découvrir les nombreux méandres de la Rivière du nord. Ces méandres où les gouttes semblent étirer le temps. Des méandres qui prennent à maintes reprises le nom de « fer à cheval ». Puis elle a parlé des quelques zones de turbulences et des rapides joyeux qu’elle a dévalés.
Tout en constatant une amélioration de la santé générale de la rivière entre les deux époques (évoquant la grande quantité de lambeaux de billots tapissant le lit de la rivière, et étouffant le chant des flots, lors de sa première descente et les zones protégées qu’elle comprend maintenant), elle exprima quelques inquiétudes « même si la rivière du Nord est la plus courte, elle est la plus « urbanisée », celle qui a le plus de résidents au kilomètre. Elle traverse un grand nombre de villes et de villages et ses berges sont très fréquentées… »
Ses dernières paroles s’adressaient aux riverains à qui elle demandait de reconnaître la « souveraineté » de la rivière, son importance majeure.
Elle fut ensuite expulsée du Tourbillon de Voix pour aller rejoindre les eaux du grand fleuve. Un courant l’emporta, et elle souhaita ardemment pouvoir se rendre jusqu’à la Grande Bleue, pour y connaître le doux sentiment d’Océanité auquel chaque goutte aspire.
Yvon Boutin
6.
La rivière du Nord m’inspire
— Maman, maman !
C’était sa petite Stéphanie qui venait de finir une belle journée fraîche en ce mi-septembre de sa 4e année.
— Maman je suis rentrée ! J’ai besoin d’aide pour un projet que madame Marie-Josée nous a donné. Pourrais-tu m’aider ? Svp!
Après avoir installé Stéphanie à son bureau, elle demanda à sa douce fille aux cheveux auburn et aux yeux noisette, en quoi elle pouvait l’aider.
— Eh bien, il faut faire un texte en répondant à une question et la question c’est : pourquoi les oléoducs et les déversements peuvent menacer nos rivières ?
— Je vais te raconter une histoire, peut-être que cela t’aidera à compléter ton travail… Tout d’abord, Stéphanie, tu dois savoir que des déversements se produisent en temps de pluie. Mon histoire débute il y très longtemps, bien avant que tu sois née !
— Wow ! Ça fait longtemps ca ! interrompit la jeune fille.
— Effectivement Stéphanie. — Je continuai mon histoire. — Un petit village s’était installé proche d’une rivière où l’eau était tellement bleue, donc, qu’il la baptisa : La Rivière au Topaz de Mer. Le village s’était installé à l’endroit où la rivière avait un débit moins fort. Les hommes passaient des après-midi à pêcher, et certains amenaient leurs fils. Les filles parlaient des garçons et relaxaient au bord de la rivière tandis que les garçons s’amusaient à se baigner et d’autres à arroser les filles. Les mamans nourrissaient les canards qui venaient proche de la rive.
— Wow comme ils avaient une belle vie, dit la jeune fille.
— Oui, mais cela ne dura pas longtemps, car le village déversait leurs eaux sales ainsi que leurs déchets dans la rivière. Avec le temps, l’eau devenait brune. Les poissons étaient rares et quand les hommes les pêchaient, le goût n’était pas assez bon pour le savourer car l’eau sale les avait affectés. Ils ne pêchaient donc plus et ne mangeaient plus de poissons. Les garçons ne se baignaient plus car lorsqu’ils sortaient de l’eau, on pouvait voir sur leur corps qu’ils étaient tous brun.
— Ouache ! dit Stéphanie.
— Oui, t’as raison. En plus, la rivière débordait beaucoup plus que d’habitude, ce qui est mauvais, mais ça n’affecte pas seulement la vie sous l’eau, mais les autres animaux. Par exemple, les canards ne pouvaient plus se nourrir, donc ils ont décidé de partir ailleurs, où que l’eau n’est pas autant brune et sale !
— Ils devraient la rebaptiser La Rivière au Topaz Brun ! Mais je ne suis pas sûre que cette pierre existe, déclara Stéphanie.
— Le village était rendu malheureux et se sentait coupable d’avoir pollué une aussi belle rivière ! Donc Stéphanie qu’as-tu appris de cette histoire ?
— Que les personnes peuvent faire des choses stupides !
— Tu as raison, mais la morale de cette histoire est de faire plus attention à notre environnement, car certaines actions sont irréversibles, expliqua la maman.
— On a seulement une planète et avant que toutes les rivières sur la planète s’appelle la rivière au Topaz Brun, il faudrait commencer à faire plus attention ! ajouta Stéphanie.
Fin
Gabrielle Blais, 13 ans, finaliste
7.
besoin de parler
trop pressée pour m’écouter
la rivière du Nord
Ariane Bouchardy-Gauthier
8.
débris de glace sur le courant
des gens au bistrot
ouvrir ou non mon manteau
Ariane Bouchardy-Gauthier
9.
Mémoire du Nord
Tes rives ont vu passer billots et draveurs
Tes fonds boueux ont été entachés de nos vies délabrées
Les générations t’ont boudée jusqu’au jour où l’on te croyait perdue
Flots de mon enfance où j’ai taquiné poissons et ouaouarons
Cascade d’insouciance où j’ai secouru mon benjamin
Tumulte de mon adolescence où j’ai puisé mes amours
Tu transportes la vie sur ton lit
Tu nourris faune et flore
Tu abreuves citadins et riverains qui te font la vie dure
Sans rancune
tu baptises le nouveau-né
lave les plaies et les souillures
désaltère les gorges asséchées
nettoie les bêtises humaines
Tu es notre présent, notre avenir
Notre joyau à protéger.
Michel Bouvrette, finaliste
10.
Chant de rivière
rivières
étoiles
fleurs
regards
rivières d’étoiles
rivières de fleurs
rivières de regards
rivières de rivière
naissance en rivière
vie en rivière
temps en rivière
mort en rivière
rêves dans la rivière
chuchotement dans la rivière
mélodies dans la rivière
pleurs dans la rivière
palpant
pliant
se faufilant
se fondant
expédiant
attaquant
interprétant
rivière
rivière de mots
rivière de silence
rivière de battement de tambour
rivière de battement de cœur
rivière de femme
rivière d’enfant
rivière de désir
rivière de sommeil
rivière d’hommes
rivière de frai
rivière d’émergence
rivière de crépuscule
je te chante
tu es le chant
ton écho résonne
tu es mon chant
Brian Campbell
(traduction Nancy R. Lange)
finaliste ex-æquo avec Marie-Sœurette Mathieu
11.
le vent chuchote
frisson d’automne
– une autre sorte de rivière
Brian Campbell
(traduction Nancy R. Lange)
12.
La rivière du Nord
Source, rivière, fleuve
mènent à la mer
énergie flottante
La rivière du Nord
n’y échappe pas
rien ne l’arrête
Scintillante sous le soleil
assombrie sous les nuages
inspiration du poète
Libre ou soumise
aux effluves et au vent
riche de ses ardeurs
Au fil du courant
rives et rochers
aller simple
PROTÉGEONS NOS COURS D’EAU…
Gaelle Claessens
13.
Journée mémorable à la rivière
Je longe le sentier bordé d’une belle rivière. Tout est ombre ou reflet. Tantôt, je l’aperçois en plein soleil, parfois cachée derrière les arbres ou camouflée par un rideau d’herbes folles. Elle contourne les roches et s’adapte au relief. Elle poursuit sa route.
Les murmures de la rivière prennent le dessus se mêlant à la romance des mésanges et des jaseurs des cèdres. Tout est accéléré. Le débit de l’eau augmente. Je me dirige dans l’allée menant vers de magnifiques cascades. Je m’assois sur une grosse roche plate pour écouter le clapotis de l’eau, une vraie cadence, une musique rythmée. Je savoure ce moment mélodieux.
Je me relève. Je marche. Je prends conscience de chacun de mes pas sur le sol rocailleux et sinueux. Je ne me lasse pas de regarder ce décor enchanteur, sans prétention et d’un grand naturel.
Tout au loin, un pêcheur habillé de longues bottes taquine la truite arc-en-ciel et la truite mouchetée. Avec agilité, dans des mouvements de va-et-vient, il s’assure que la mouche au bout de la soie touche l’eau.
Dans les étangs, les familles de canards se pavanent. Habitués à la présence humaine, ils deviennent des visiteurs assidus et sans crainte. Je m’émerveille toujours à leur simple vue.
Tout au long du parcours, j’admire les plantes sauvages, ces précieuses de la forêt qui m’offrent une multitude de coloris. Elles sont tantôt discrètes ou encore bien à la vue. Elles sont attrayantes dans leur milieu naturel et perdent de leurs charmes une fois coupées. C’est pourquoi je me plais à les nommer, « les belles de nos bois ».
Je sais qu’en toute saison, les arbres dominent la forêt; leur vert tendre au printemps, leur magnificence en été et leur parure de couleurs variées l’automne venu. En hiver, un manteau de neige vient quelquefois les couvrir. Aujourd’hui, ce sont les arbres matures qui attirent mon attention. Je viens les embrasser de mes bras. Je me charme à deviner leur âge et leur essence.
Au pied de la chute, à l’ombre d’un grand hêtre, une famille fête. Les pâtés, le fromage, le pain, le vin décorent la table. Les enfants s’amusent et les grands discutent de tout et de rien. La beauté et le charme des lieux ont préséance sur ce rassemblement.
Sur le chemin du retour, une jeune fille est étendue sous un arbre en train de lire. Un vieillard bien assis dans sa chaise rêve de ses lendemains. Un tamia traverse le sentier avec des victuailles plein la gueule. Deux amoureux de la photo installés avec leur attirail immortalisent le paysage. Une femme écrit. Une autre contemple.
Je longe le sentier d’une belle rivière. Tout est en harmonie. De cette oasis de paix non loin de la ville, je garde en moi des souvenirs intarissables.
Céline Clément, finaliste
14.
l’homme des cavernes
sur la rivière du Nord —
l’homme des tavernes
Diane Descôteaux
15.
La rivière du Nord
sous la neige dans la brume
comme route d’eau chemin de glace
aire de repos tracé du territoire jadis neuf
parc de verdure de chutes de cascades de rapides
ou langueur sous la canopée à la robe changeante
ou course nue sous les ciels bariolés
rivière que l’on dit du Nord
broderie de mouvement
toi qui parcours le pays
du lac Brûlé à la grande eau lente de l’Outaouais
je te nomme par ton voyage
qui relie ou voisine les cantons accueillants
prêteurs de rives arc-en-ciel
je te nomme par ces lieux
afin qu’on les entende du regard
afin que le souvenir en revive
afin que le désir de les connaître s’allume
Sainte-Agathe-des-Monts
Val-David
Val-Morin
Sainte-Marguerite-Station
Sainte-Adèle
Saint-Sauveur
Piedmont
Shawbridge
Prévost
Lesage
Domaine-Laurentien
Domaine-Richer
Lafontaine
Saint-Jérôme
Domaine-Cloutier
Saint-Canut
Lachute
Dame-Neuve
L’Île-aux-Chats
Le-Coin-des-Sœurs
Saint-André-Est
Terrasse-Robillard
Claude Drouin
16.
De retour
Les zucchinis cuisent dans du citron et de l’ail
tandis que je suis assise sur la véranda avec un verre de vin
La mort m’a frôlée la semaine dernière
trop de pilules engouffrées en ma gorge
mais j’ai rebondi
espérant
du soleil
une rivière qui chante
Si seulement mon bras arrêtait de faire mal
l’intraveineuse qu’on a enfoncée dans mon poignet
y est restée pendant des jours
À sept reprises tu me sauvas
je rebondis
de cette noirceur
le souper, maintenant
avec la rivière qui s’écoule
une chandelle
sur la véranda
Tu dois sûrement m’aimer
j’y réfléchis
en servant le souper
Jocelyne Dubois
17.
peau mince des genoux osseux
dans les éclaboussures de la rivière
écorchée par les pierres
Jocelyne Dubois
18.
Est-ce rivière?
Vous me voyez rivière
alors que je suis colère
et danse déployée
et couleurs irisées
qui tombent en cascades
puis aspirent encore au ciel
me brisant en embruns
me frayant un passage
entre les roches polies de mes assauts
Vous me croyez rivière
alors que je suis femme
je n’ai de cesse de dériver
de m’enrouler sur l’écume de mes envolées
sur les mouvements irrépressibles
du plus profond
du plus noir et lumineux
de mes errances
Vous m’entendez rivière
alors que je suis musique
je fonce
et retombe abandonnée
j’exulte
et ne suis plus qu’un chant à la vie
je rugis puis me couche vaincue
par mon trop fort tumulte
Vous me nommez rivière
alors que je suis miroir de vos destinées
je voyage de l’ombre à la lumière
et de ma source vers l’infini
je suis de pluie et de sable
de vos pleurs et de vos rêveries
Vous m’imaginez rivière
alors que je suis l’histoire
je vous berce et vous accompagne
et ma mémoire est sans fin
tout comme la vôtre
quand je l’emporte dans mon élan
je pardonne tout et lave vos remords
et vous attire dans mon mystère
Vous me connaissez rivière
alors que je ne suis que l’éternelle légende
je vous captive et vous ramène là
où vous n’étiez que bercement
je suis votre chemin
d’aussi loin qu’il vienne
et jusqu’où il ira de lui-même
car je n’ai que questions
et nulle réponse
ni rien à vous apprendre
que vous ne sachiez déjà
vous m’appelez rivière
alors que je suis votre itinéraire
je vous intrigue et vous reflète
entraînant vos prières
et vos espoirs secrets
jamais je ne déçois
jamais je n’ai trahi
car je n’ai nulle promesse
ne sachant le but de ma course
que par les images dans vos yeux
depuis le commencement
je suis l’eau
libre et furieuse
à qui rien ne résiste
et mon désir m’entraîne sans fin
vers d’autres histoires
d’autres chansons
d’autres destins
Anna Louise Fontaine
(hors-concours: trop long avec 68 vers)
19.
Eau de rivière
Eau pure il suffit simplement
De la regarder
Les lames en des
Vertus énergétiques
Qui nous plonge dans un
Regard d’une telle splendeur
Coule fluidité de mots
Comme rivière
Qui vaguent dans mes pensées
Les mots qui jouent à fredonner
Nos rêves à l’infini
De cette eau de rivière
Nichée au cœur d’univers
Écoutes-tu la caresses de ses vagues
En messager qui
Te parle de son amour
Une valeur qui a du poids
Inscrire dans la balance du temps
À garder contact avec ses secrets
Elle glisse aux tréfonds de son lit
Sa langue d’identité sur ses pierres
Les forces de l’eau qui
Érodent le paysage
En des battements de vagues sur les rochers
Qui transportent leurs habillements d’argent
Tic-tac-tic-tac du torrent de rivière
Le temps est sérieux
Écrire sur ta peau de rivière
Les teintes de tes nouvelles d’histoires
Des traces nobles et belles
Caressant mes pieds dans l’eau
Cette musique de l’eau en murmure
Cède la place au bruissement de sa peine
Plane le brouillard preuve dû au fil du temps
À cet air désinvolte d’humain
Me revêtir de zèle pour vénérer rivière
Avec le bruit des mots qui
S’agitent pour offrir pluie de souvenirs
Et d’espoir aux mouvements de ses berges
Madeleine Fontaine
20.
Majesté boréale
Tu chantes même en hiver
De la source à la mer
Puis tu danses au printemps
Parée de cristal et de satin blanc
Tu verdoies à l’ombre échevelée
Des grands saules éplorés
Et reçois en secret le rire du ruisseau
Abreuvant le cerf dans les roseaux
Silencieuse et profonde
Tu files à la douceur de l’onde
D’insondables remous et tourbillons
Tu portes les mystères du monde
Majesté venue du Nord
Éternelle rumeur des banquises
De tes mains de sable et d’argile
Tu creuses ton sillon vers le sud
Te noyant au sein de la reine des Outaouais
Mais avant de glisser dans l’oubli
Citadelle accueillant les nouveau-nés
Témoin des grandes amours, à ton sein serties
Tu raconteras les saisons d’éternité
Saisons d’enfance à l’eau limpide
où chaque jour criait sa joie
Saison de froidure pour les glacières d’antan
Saison d’abondance où la carpe croisait la truite
Mais aussi, saisons de mort
Et de rêves inutiles
En tes entrailles, tu recèles tant de sépultures!
Majestueuse rivière du Nord
Pour moi, tu resteras toujours
Les feux de l’automne ou la noce givrée
La vie dans les nids et l’hymne sidéral des outardes tatouées de liberté
L’enchantement de la corneille, messagère des grands espaces
Et le héron qui se prend pour un arbre
Murielle Gagné
Ste-Agathe-des-Monts
21.
Ô rivière du Nord
Le Destin avec grâce
T’a donné les Laurentides
Pour y faire ton lit.
Ô rivière du Nord
Tu coules la vie
Tu enfantes les saisons
Tu te ris du temps.
Ô rivière du Nord
Tu es source d’amour
Et un beau soir d’été
J’y ai rencontré ma mie.
Ô rivière du Nord
Ta fougue est sortilège
J’ai choisi avec ma mie
D’y bâtir notre nid.
Ô rivière du Nord
Sa vie, ma vie, notre vie
Saison après saison
On oublie le temps.
Ô rivière du Nord
Je me fous du temps
Tu as été mon berceau
Tu seras mon tombeau.
Ô rivière du Nord!
Jean-Robert Gagnon
St-Canut, Mirabel
22.
Rivière du Nord
Sinueuse rivière du Nord
Une rivière me traverse
C’est la Nord disait Miron
Miron le poète du paysage
Je viens d’en aval de la Nord
Et me confie au Saint-Laurent
J’entends qu’on plaint la Nord
Miron de sa tombe vous prierait
D’où au monde sans issue se battre
Du ventre sauvage du lac Brûlé
Jetant ses eaux aux Outaouais
La Nord ses affluents vivants
Non la Nord n’est pas morte
Si la belle traverse ses eaux
Dans les échos de l’amour
Son sang-froid bouillonne
Depuis les pays d’en haut
À la force vive de vivre
Ainsi la Nord aura servi
La nature puis l’homme
Des colons y aller et venir
Des usines en puiser l’énergie
Et du bois en flotter d’envie
En buvant à l’eau des rêves
Voir un monde qu’il fallait
Pour mettre au pas la nature
Où l’eau qui court nettoie tout
Même les rives baignant en elle
Pour jouir de lumière et de soleil
Puis son corps en dérive dégénère
Enfin l’esclave de la conscience
Peut reprendre le fil de l’eau
Comme cette mouche noire
Cette bête des Laurentides
Son venin tirant nos âmes
Ses œufs, murmure l’eau
Que mon courant nourrit
Renversez la niche des pierres
Y voir vos colères rassemblant
Mes cent trente-sept kilomètres
Alain Gravel, finaliste
23.
Faut-il une parole?
Gardienne de tous les temps, ma rivière traverse la mémoire de la terre.
Fragile comme l’héroïne d’un opéra, elle sait chanter des airs, mais peu les entendent.
Elle pourrait entrer dans des contes et des légendes en toute modestie ou bien jouer la châtelaine d’une histoire ancienne, mais elle reste discrète.
Comme d’autres de son espèce, elle laisse parler les poètes.
Gilles Vigneault pourrait y avoir fait plonger Jack Monoloy.
Félix Leclerc aurait pu y faire danser MacPherson sur des billots.
Bedrich Smetana la transformerait en une symphonie digne de La Moldau.
Et moi, que puis-je ajouter?
Je reste à ses côtés, sans voix, tout simplement, allié de cette
amante rebelle.
Sans repos, je portage sur son flanc blessé.
Pendant des heures, je cherche un signe, mais elle me condamne au silence.
Pourtant, elle connait tout des Pays d’en haut.
Elle aurait tant à dire.
Alors je m’invente une trame romantique.
Furtivement, je me glisse dans son lit.
Je me colle à son dos, solide comme la sagesse d’une aïeule.
Je la caresse, doucement, avec égards et respect.
Mon canot l’apprivoise, chaque coup de rame la fait frémir.
Mais elle reste muette.
Du coin de l’œil, elle se contente de m’observer dans son miroir.
Elle semble vouloir me charmer par un rythme de valse à trois temps.
Son irrésistible sillage me pousse en avant.
Je la sens à la fois vive, forte, tendre et sensuelle.
J’avance, pianissimo, envouté par son mystère.
Je ne cherche plus d’explications.
Je me laisse emporter par le rêve.
Au détour d’un méandre, une femme assise sur une souche ouvre son corsage et présente un sein à son enfant.
Que puis-je dire?
Elle transmet un filet de vie.
Devant une mère et son bébé, je me tais. Je m’émerveille.
Je laisse mon regard se porter sur la rivière.
Son corsage s’ouvre.
Sa vie coule, silencieuse, inéluctable, enluminée de souvenirs.
André Jacob
23 septembre 2016
24.
Chutes Wilson
(à mon cousin, Joël)
Les cheveux de sable du souvenir s’allongent jusqu’au cap où débouche la pinède. Ton fantôme m’y précède sur un vélo. Ce n’était pas encore un parc, seulement un refuge splendide et retiré, de fracas d’eau et de verdure, où bien des amants se sont allongés en leurs rencontres secrètes. Ton visage se perd dans le flou, mais je me souviens d’être venue ici avec toi, fauché si jeune. Et d’y être revenue encore et encore.
Coule la rivière du Nord, sifflent les rapides. Adolescente, jeune femme, jeune mère, j’ai marché les sentiers de ses berges sinueux sous les arbres, entre les blocs erratiques déposés depuis des millénaires. Mes mains ont débusqué des trésors dans le sac à dos, les ont déballés et partagés. Chocolat et thé au rhum en hiver, jus de fruits et biscuits savoureux en été. De l’enfance de ma fille à sa majorité, en ski, en vélo ou à pied, j’ai tracé cette forêt jusqu’à en pressentir le décor m’attendant derrière la prochaine courbe, orange, vert ou blanc au fil des saisons, dans un ravissement toujours renouvelé.
J’ai amené ici tant d’amis découvrir la beauté des chutes, mais à personne je n’ai révélé le secret de ma visite première. Je l’avais moi-même oublié, mais aujourd’hui il me revient. Je peux encore sentir l’odeur des aiguilles de pin dans la chaleur de l’été, mon ébahissement devant le grandiose de ton lieu secret. C’est toi, mon cousin, mon ami qui me l’a fait découvrir, toi qu’on a assassiné à dix-huit ans dans une maison pas très loin d’ici. Remontant la rivière du temps, tu viens à moi, chargé d’un souvenir heureux. Je te vois. Cet arbre dressé seul sur une petite île au milieu du courant, c’est toi.
Nancy R. Lange
(hors-concours)
25.
Souffle de vie
L’aube annoncée
Une libellule bleue
Ailes diaphanes sur le pont de l’île idéale
L’astre souverain baille et cligne de l’œil
La rivière du Nord frémit dans son éveil
Rides et billes perlées, halos de mystère
Chuchotements et secrets surgissent de la nuit éteinte
Brise légère
Souffle, tendresse oscillatoire
Rosée au creux de l’œufrier
Sur la branche d’un arbre centenaire
Mon grand ami, le sage visionnaire
En bas, des vaguelettes dansent d’espoir
Dans le ventre de l’écume, mon cœur bat
Instant de grâce
Paysage pleinement habité
Miroitement du ciel doucement bleuté
piste d’atterrissage pour le grand héron
petit rocher en forme de cœur
Le grand échassier, bec pointé au ciel
Transcende le tout et inspire l’éternel
Au loin des canardeaux défilent à l’indienne
Jolies ballerines au charme fou
Se dandinent et cacardent insouciantes
Sous leurs pas légers, une cascatelle frise de joie
Rebondit sur la roche où trône un inukshuk courage
Symbole de vie de nos vieux amis, les autochtones
La rivière balance, éclabousse et tangue
Happe nos regards et nos pensées fragmentées
Sculpte en nous le silence pour nos âmes blessées
Soudain, elle cogne, roule, tambourine et déferle
Un éclair zigzague et déchire la peau de l’eau
La vérité naît-elle parfois du chaos?
Anne Jean, finaliste
26.
Juste entre toi et moi
Quand tu entends mon chant, tu es attiré par moi comme un secret bien gardé.
Quand tu me vois, mon charme fait dilater tes pupilles par ma beauté.
Quand mon arôme remplit tes poumons, toute ma force et mon pouvoir sont en toi.
Quand la canicule arrive et que tu glisses sur moi, des vagues de plaisir se dégagent de nous deux.
Et quand tu bois et goûtes aux fruits de mon labeur, ce sont tous tes héritiers qui vont en profiter.
Alors si tu m’aimes autant que je t’aime, sauras-tu
me défendre et me protéger?
Nathalie Lasalle
27.
Ah! ma rivière du Nord
Je m’assois sur le tronc d’arbre au-dessus d’un remous et je reconnais en toi ma bonne vieille grand-maman, aux beaux cheveux blanchis, centenaire et toujours pleine de vie, ton cœur bat au rythme des gens qui t’entourent. Ton histoire, qui elle aussi, a plus de cent ans, reflète une existence remplie de beautés et de tourments. Toutes ces années à foncer à travers les époques, comme un train à vapeur, où tu as rassemblé autour de toi plusieurs générations pour bâtir un monde meilleur. Comme grand-mère tu as subi les contrecoups de la vie, la destruction, par le feu, de ta première bâtisse. Avec courage et acharnement tes hommes l’on remise debout.
Plusieurs familles se sont regroupées autour de toi, les Filion, Parent, Charbonneau, Rolland et j’en passe, pour accomplir au fil du temps, des petits projets ou de grandes réalisations.
Le curé Labelle t’a connue, reconnue et veillé sur toi tout au long de sa vie. Il t’a décrite avec tant de charme et de richesse, t’a défendue avec acharnement et parfois même ses poings que bien des gens n’ont pu que s’incliner devant ta vivacité et ton besoin d’être.
Je te vois couler doucement ou ardemment à travers les branchailles et les arbustes, en contournant les rochers, ce qui me rappelle la force fragile de mon aïeule qui affrontait les maux de la guerre, les embarras financiers avec un grand nombre d’enfants à élever et la lutte acharnée des femmes pour la reconnaissance. Longue et étroite, tu parcours les villes et les forêts, exhibant tes arbres, tes fleurs et tes odeurs. Les petits animaux réfugiés dans tes bras observent ton déploiement rapide pour éclairer les habitants de plus en plus nombreux, qui développent le village, construisent le magasin général, la boulangerie, la forge, l’auberge, l’école et bien évidemment la chapelle.
Au fil du temps de nombreuses personnes ont admiré tes aires de repos, tes coins de baignade et d’observation d’oiseaux. Merveille de la nature, tu rassembles encore aujourd’hui des milliers de familles autour de toi, tu permets aux gens de pratiquer plusieurs activités sociales et communautaires.
Être en ta présence, chère rivière, m’apporte sérénité, tranquillité et paix intérieure. Je laisse mes pensées filer dans l’eau claire et mes colères partir avec le tourbillon de la chute.
Comme ma bonne vieille grand-maman, tu me berces et me réconfortes.
Une bouchée de pomme verte, une gorgée d’eau de source et me voilà qui te quitte pour aller à la résidence des ainées rendre visite à tu sais qui maintenant.
Ah! toi, ma rivière du Nord, tu m’inspires!
Chantale Lefebvre, finaliste
28.
L’indulgente rivière du Nord
Saillie franc Sud.
Emprisonnée dans son lit
de vase et de pierres.
Trop sensible aux manigances
mesquines de l’homme.
Cruel destin,
toute cette beauté majestueuse
incapable de se soustraire
à cette déchéance.
Fléchir ou mourir?
Elle maîtrise sa colère
et nous supplie avec insistance
d’empêcher ce progrès mal défini.
Tragédie en mouvement
dans un espace étroit.
Faire appel à l’esprit rationnel,
Faire cesser le tourbillon!
Ce cours d’eau important et naturel
se jette dans la rivière des Outaouais.
Son élégance circonspecte
le propulse toujours vers l’avant
Haut lieu de tourisme et de villégiature.
Affluence des plaisanciers.
Elle influence la fertilité
par ses inondations naturelles
Elle a un caractère inné,
un élan phénoménal
et une force de gravité assurée
pour défier les arnaques.
Mais ce n’est pas assez!
Son inclinaison dégagée,
spontanée et libre
et son courant positif
combat le négativisme de l’homme.
Souffle profond…
notre salut!
La rivière n’est pas un fossé
et le fossé n’est pas un dépotoir.
La polluer,
c’est se jeter en détresse.
Notre vie est liée à elle.
Évitons le naufrage!
John Mallette
29.
Rivière du Nord
Belle déesse du nord
Tu coules allègrement
Laissant sur ton passage des étincelles de bonheur
Longue et sinueuse rivière
Pourrais-tu dire combien de créatures ailées
Ont survolé tes rives? Des milliards sans doute
Combien de pêcheurs jeunes et vieux
Ont jeté leurs perches dans tes eaux limpides
Belle déesse du Nord
Tu charmes gratuitement les randonneurs
Du Parc enchanteur portant ton nom.
Combien d’amoureux assis au bord de tes rives
Sont tombés sous tes charmes
Combien de poètes as-tu poussés à l’écriture
J’aime contempler ta descente bleutée
Qui frôle celle du saphir
Non loin de Shawbridge
J’ai cru voir des filets d’argent
Lors de ta course folle sous le soleil
Au cœur de Saint-Jérôme
Serais-tu porteuse de métaux
Et de pierres précieuses
Venus du Lac Brûlé
Belle déesse du Nord
Tant aimée des promeneurs
Des canards, des mouettes et des écureuils
Il ne faut surtout pas que des pipelines
Viennent ternir ta beauté.
Marie-Sœurette Mathieu
finaliste ex-æquo avec Brian Campbell
30.
Rivière du nord ou rivière Nord
Rivière du Nord
Rivière Nord
Bleu de tes étés
Blanc de tes hivers
Tendre et féconde
Claire à souhait
Tes nattes blondes
Tes odeurs de paix
Fragile fleur
Au matin moqueur
Eau cristalline
Empreinte de cœur
À te vouloir belle
Tu défies le temps
Les aubes pastel
Les rives d’encens
J’ose ton nom
Carnassière du temps
Portes en mon front
Tes éternels printemps
Tes eaux sont des flots
Parcourant mes mots
De tendres lierres
Serpentant les pierres
Doux oxymel
Kyrielle sons
Oiseau de selle
Déesse des monts
Ton chant est écho
Ton verbe, créneau
Musique zen
Ou air allégro
Puis le temps nacelle
Sur l’aube des monts
En effet carpelle
Sous le pont des sons
Rivière du Nord
Rivière Nord
Bleu de tes étés
Blanc de tes hivers
Le Pierrot de lune, 23 septembre 2016
(Pierre Mondou)
31.
feuille de bouleau
se dore la face au soleil
le dos en rivière
Marguerite Morin
32.
Poème d’une néophyte
j’aime les champs et les rivières
l’air pur et les étés longs
protégeons nos rivières
qu’elles coulent dans nos cœurs, nature
et majesté aux quatre saisons
pour bénir nos simples vies
bonté de la nature en liberté
menacées par l’industrie
elles ne pourront bientôt plus reposer dans leurs lits
délogées par un vouloir humain trop entreprenant
elles pourraient disparaître, eaux à la dérive…
la rivière transmet des ondes
qui peuvent nous guérir
leur eau est encore bonne à boire, source de nos vies…
les barrages, l’économie, les politiques
détruisent nos villégiatures enchantées
demain disparaîtront les oiseaux migrateurs du printemps
et leur retour tant espéré
nous rappelant le temps de la pureté
Luttons pour la rivière
son bassin devenu fragile
ses poissons menacés
ses berges devenues friables
et s’il n’y avait plus rien à faire
si la nature disparaissait
comme une enfance brisée…
agissons pour l’avenir
baignades, fruits et vergers, aliments purs
et pour le sourire de l’enfance.
Danielle Ndeze
33.
À la mémoire des belles rivières saccagées, comme la Manicouagan, la Sainte-Marguerite, la Bestiamite, la rivière aux Outardes, la Péribonka, la Bas-Saint-Maurice, la rivière la Grande, la Caniapiscau, pour ne citer que celles-là.
Et pour en protéger d’autres encore qui sont convoitées, parmi plus de 500,
Telles, la Gatineau, la Batiscan, la Kipawa, la Portneuf, la Rupert, la fougueuse Romaine et la très belle, Ashuapmushuan au Lac Saint-Jean.
SAUVONS NOS RIVIÈRES!
C’était une belle rivière
Coulant à travers la forêt,
Cascadant sur les roches claires,
Ou ondulant au milieu des prés.
Depuis toujours, elle était le refuge
Des poissons, des oiseaux et autres transfuges.
Les Amérindiens en canot la sillonnaient.
C’était leur chemin qui marche,
Comme elle, il y en avait des milliers.
On aurait cru sa beauté éternelle,
Ses jeux d’onde et de lumière protégés à jamais.
Qui aurait pu croire que le cours d’eau que j’aimais,
Serait défiguré pour quelques étincelles?
Soyons honnêtes!
Pour quelques mégawatts,
Nous violons la planète.
Pour quelques mégawatts,
Nous la couvrons de barrières;
Pour quelques mégawatts,
Nous dénaturons nos rivières.
Bien sûr, diront certains, nous avons besoin de courant,
Pour assurer notre confort moderne.
C’est nous faire prendre des vessies pour des lanternes.
Quand j’entends ce discours, je me sauve en courant.
Si encore, nous l’utilisions pour nos besoins vitaux :
Nos maisons, nos écoles, nos trop pleins hôpitaux,
Ce serait presque un mal nécessaire.
De l’électricité, nous en aurions encore demain,
Sans sacrifier pour autant nos puissantes rivières,
Si ce n’était pour satisfaire nos énergivores voisins.
La houille blanche, quel nom poétique,
Qui cache pourtant toute une polémique!
Si nous gaspillons nos plus belles rivières,
Que laisserons-nous aux enfants de la terre?
Des ruisseaux caillouteux, des lagons insipides,
Ou des torrents impétueux parsemés de rapides?
Pour créer de l’énergie,
D’autres avenues ont été explorées :
Le charbon, le pétrole, le vent, les marées.
De l’atome, on a fait l’apologie.
Mais, le moyen le plus facile,
Selon une logique irrationnelle et imbécile,
Serait de faire un barrage dans une belle vallée.
Bientôt les flots captifs l’auront vite avalé.
Alors, adieu cours d’eau, libre et fougueux!
Bienvenue, maigre ruisseau et bassin creux!
Cessons de rejeter sur les autres l’opprobre,
Car l’électricité la plus propre
Est celle que l’on n’utilise pas.
Arrêtons de gaspiller nos ressources,
Il est temps de revenir à la source.
L’écologie ça commence chez soi;
Par mille petits gestes : recycler, jardiner,
Ne pas chauffer le voisin,
Éclairer que si l’on en a vraiment besoin.
Marcher, pédaler, laisser l’auto se reposer,
Réapprendre à vivre, apprécier la vie et ses bienfaits.
Puisque l’énergie vitale nous provient du soleil,
Il suffirait que chacun ait sa propre génératrice solaire,
Pour satisfaire sainement ses besoins élémentaires.
Ce n’est peut-être qu’un rêve, mais il est doux pareil…
Faisons en sorte de conserver les belles rivières fougueuses qu’il nous reste libres d’obstacles humains afin que les générations futures parcourent le pays un peu à la façon de leurs ancêtres, grâce aux voitures à eau, sur les chemins qui marchent… en espérant que ce le soit pour toujours…
Que les descentes en eaux vives, vivent!
Jacky Albert Pachès
Auteur/chansonnier, ex-membre des Aventuriers, affiliés à la Fédération québécoise de canot et de kayak. Membre de l’AAL, de l’AAM et de Poésie Académie.
(hors-concours: trop long avec plus de 60 vers)
34.
L’immense petite rivière du Nord
Le retrait des glaces, il y a plus de 10 mille ans a formé notre paysage dans toute sa grandeur et sa beauté. Il y a creusé montagnes, lacs, rivières et fleuves.
Naissant comme un enfant du ventre du lac Brûlé, la rivière du Nord est l’épine dorsale de nos Laurentides. Pour le curé Labelle, elle en fut le cœur, un cœur chargé d’un espoir : celui de la colonisation des Pays-d’en-Haut!
Si elle traverse les plus vieilles montagnes du monde, elle se fait timide dans sa longueur d’à peine 137 kilomètres, mais dans ce court parcours, elle se permet toutes les formes d’émotions : fougueuse comme chute en démence, calme comme une nuit sans vent, émouvante comme visage ridé par le temps. Elle devient aussi amoureuse et tendre lorsqu’elle se profile entre des rochers, cachottière lorsqu’elle s’attarde dans un recoin rocailleux. Elle se plaît à disparaître sous la multitude d’arbres qui la bordent comme des vigies trop attachées à sa présence. Elle se transforme sans arrêt, multiplie ses visages, ses chants qui deviennent parfois une chorale aux multiples voies.
Elle fut le bonheur des premiers colons du Nord qui s’attachèrent à bâtir maisons, villages tout le long de son parcours. Elle enchante encore toutes nos saisons, accueille nos oiseaux et ceux de passage, alors que des poissons y vivent ou y survivent malgré la pollution qui ne cesse de la menacer.
Elle coulait, coule encore avec douceur, avec vigueur s’en allant se jeter dans la rivière des Outaouais, ses eaux s’y mêlant pour rejoindre fleuve et océan.
La rivière du Nord est un joyau que les Laurentides doivent préserver parce qu’elle se doit d’être de toute éternité et qu’elle est l’âme de notre région.
Monique Rouleau-Pariseau, membre du jury du concours
(hors-concours)
35.
La rivière du Nord se raconte
Eau secours
Ma source au lac Brûlé, affluent d’Outaouais,
Quand les canots filaient l’onde, comme un rouet
Le fil d’or du temps, dans mon sinueux parcours,
Ruban ondoyant, tout au long de mon cours,
Je sillonnais de mon chant les vertes campagnes.
En rasant quelquefois de petites montagnes,
Je forais, vrille oblongue, des terres fertiles.
Les pionniers et premiers fiers colons, avec style,
Le bedonnant curé, le roi du Nord, en tête
Venaient s’y ébrouer et y faire la fête
Comme l’a décrit Arthur Buies dans sa chronique.
L’azur vif régnait alors sans gaz carbonique.
Les ans passèrent insouciants d’imprévu.
Moi, l’aorte du cœur jérômien, j’y ai vu
Et, oui, chuchoté le premier pont prévotois
De poutrelles enjamber mon cours de son toit.
Puis lentement, tout changea. Au long de mon âge,
Quelquefois tranquille mais rarement sauvage,
J’ai fait rouler dans mes flots ou laissé glisser
Des billots de bois vers les moulins à papier.
Plein de modernisme mais se faisant ombrage
L’homme harnacha mon coursier, édifia barrages
Après barrages pour filer ensuite carder,
Sans savoir que, vite, il va se barricader.
L’usine a pollué mon sein et sa lumière
Amenant, au ciel gris, sa mortelle poussière.
L’eau crie : « eau secours ». La raison doit se revoir.
Devrons-nous tous dire adieu ou bien au revoir
À la limpidité de mon eau de jadis
Sur les bords desquels poussaient le lis ou l’iris
Où les Nymphes et les ondines folâtraient
Où chaque beau jour, heureux, les enfants pêchaient,
Au pied d’impétueux torrents, la truite brune
En échappant plusieurs ou en réchappant une :
Mieux vaut une prise que poissons sanglotés.
Quand l’écume de mes tourbillons agités
Venaient caresser les pieds des amants transis
Quelques fois debout, quelques fois assis
Sous le soleil brûlant, ma nappe, étincelante
De diamants purs, en cadence danse lente.
Normand Pelletier, finaliste
(choisi par Pierre Mondou)
36.
Rivière du Nord
Petite rivière du Nord, qu’es-tu devenue?
Toi, née dans le sable, belle et nue,
Vierge et pure comme sainte Agathe,
Fraîche, telle le bourgeon qui éclate.
On n’a pas retenu ton nom indien;
Les chefs de chantier ne parlaient pas algonquien.
Conquérants peu soucieux de toponymie
Ne nomment pas l’esclave quand elle est asservie.
Tu prenais des forces descendant nos coteaux
Tu parlais d’amour au cœur des oiseaux
Quand tu heurtais quelque caillou
Te protégeait, te berçait le grand manitou.
Et, les hommes sont venus harnacher tes eaux;
Dans la roue du moulin, tu chantais plus haut,
Alors que le blé, le froment, le pain de vie
Aux enfants des colons assuraient la survie.
Petite rivière sauvage, pour écrire le récit
Du pré, du cri de la meule, de la blondeur du blé
Toi qui ne sais pas l’écriture, vois celle de Rome
Tendue à la fenêtre de saint Jérôme.
Dans ton idiome de la nuit des temps,
Comment nommes-tu le poisson doré couleur de miel,
Et la truite bondissante dans l’arc-en-ciel,
Et le brochet au museau pointu, géant aux écailles d’argent?
Te souviens-tu encore des mots tendres
Chuchotés par la biche à son faon venus prendre
Aux aurores, penchés tous deux sur la grève,
Avec les premiers rayons, le don de ton eau fraîche?
Silencieuse, tu accueilles la pulperie et ses toxines.
Bruyants au détour, les barrages roulent leurs turbines.
Les industries utilisent ton pouvoir de rivière;
Chutes, cascades, rapides. On les laisse faire.
Les bois, les souches, les fardoches ont flambé au brûlé,
On t’a laissé les tisons, les résidus aux cendres emmêlés.
Tu as beau gronder dans les vannes des Rolland,
Le monde de l’argent reste indifférent.
Rivière tout usage, tu sers même d’égout,
Remplie de carcasses infâmes, de bouteilles,
Ton eau est infecte, ton lit souillé de gadoue.
Dépotoir sans vergogne aux abords de Mirabel.
Recouverte de bois flottant en guise de linceul,
Tu agonises aux derniers assauts de la chute
Qui te rejette ses boues. Enfin saint André t’accueille,
Ta croix est prête. Qui donc s’en préoccupe?
Entends bien, petite rivière de cinquante lieues,
Tes amis sont là, avec leurs mots, leurs poèmes.
Ils écrivent, ils chantent, ils crient « Je t’aime! »
Avec les merles, les alouettes et les anciens dieux.
Hélène Perras
(hors-concours: trop long avec 48 vers)
37.
Tout le long de la rivière
Elle est née tout en haut
Quelque part d’un ruisseau
Et d’une source fraîche.
De cascade en cascade
Elle a conservé sa fraîcheur
Et la clarté de ses eaux.
Devenue torrent,
Après la tempête,
Elle est rentrée dans son lit.
Pour reprendre son calme
Elle s’est transformée en lac.
Poursuivant sa course,
Elle s’est jetée avec fureur
Dans une chute vertigineuse
Puis s’est endormie sur une plage
De sable doux.
Elle a couru à travers bois, la forêt dense
Longé un parc et passé sous un pont.
À la moitié de son parcours
Elle a rafraîchi les chauds jours de l’été.
Elle a respiré le parfum des fleurs
Et du sapinage.
Baignant les pieds d’une montagne douce.
Elle s’est reposée au fond d’un lac
Et a réchauffé ses eaux froides.
Elle a respiré l’air embaumé des Laurentides
Avant de traverser la ville des hommes,
Dont elle a reçu les déchets nauséabonds.
De colère elle s’est enfouie sous terre
Pour un moment
Et a disparu à travers champs
Pour laver ses souillures.
Elle glisse maintenant lentement
Sur un fond rocheux
Et se repose sous les algues d’un petit lac
Créé par des humains
Où règne la tranquillité.
C’est maintenant l’automne
Elle transporte les feuilles mortes
Qui se glissent sur ses eaux
Comme des petits bateaux
Pour terminer leur voyage.
Elle abreuve les oiseaux
Les animaux des fermes
Les animaux sauvages
Elle nourrit des poissons de plusieurs races
Qui grandissent dans l’ombre
Pour le plus grand plaisir des pêcheurs.
Elle irrigue ses berges
Enrichissant les racines des plantes.
Ce sera bientôt la grande ville
Où elle se jettera dans une rivière
Puis dans une autre jusqu’au grand fleuve.
Après un long voyage dans la nature
Elle donnera son eau si longtemps protégée
Aux activités des hommes.
Elle se sera enrichie de mousses
De feuilles et de fleurs mortes
Elle portera la vie,
Elle portera l’histoire d’un pays,
L’histoire d’une terre confiée aux hommes
Dont elle accompagne la destinée.
Si vous avez le privilège
De vous y baigner un jour d’été
Laissez-vous porter par son histoire
Et surtout, surtout, apprenez à l’aimer
Et à la protéger.
Elle est la vie, elle est notre espoir.
Amélie Phar
(hors-concours: trop long avec 68 vers)
38.
Rivière du Nord
Je ne te connais guère
à peine aperçue
par hasard quelques rares fois. Sur la carte mon doigt zigzague sur ton parcours de ta
source au lac Brûlé jusqu’à ta grande sœur
la rivière des Outaouais.
Je ne te connais
depuis toujours
que par ouï-dire
mais à force d’entendre tes amoureux te louanger
je t’ai accueillie dans ma tête dans laquelle tu serpentes. Tu fertilises mon imagination tu
te faufiles dans mon oreille tu coules dans ma mémoire grâce à tes amants.
Ton seul nom me pousse vers la rêverie.
Espace boréal mythique
à explorer à découvrir
à bâbord comme à tribord.
Je te crois sautillante rapide pure guidant les aventuriers du quotidien vers un moment de grâce.
Je te sais fidèle et précieuse pour une multitude de gens que tu as toujours charmés.
Long collier sauvage tu brilles sur la poitrine des Laurentides comme les mille feux de la vie que tu transportes.
Cécile Racine
39.
rivière en débâcle
dans sa course haletante
retour des canards
Cécile Racine
40.
Rivière du Nord
Depuis toujours je coule.
Longtemps, très longtemps avant toi.
Après toi encore, vers le toujours je coule et je coulerai.
Viens si tu veux. Je te bercerai au gré de mes tourbillons et mes soubresauts.
Fantasque, fantaisiste et sage aussi, parfois. Pour toi.
Viens te baigner dans ma beauté. Dansons ensemble dans ma pureté.
Si tu veux.
Sinon, ne t’en fais pas.
Je bercerai galets et cailloux, jouerai dans les rochers,
Sans toi.
Vers le toujours je coule et je coulerai.
Marie Roberge
41.
La rive hier du Nord
Ho! la rivière du Nord.
Déjà à trois pouces de longueur de souliers, j’y berçais mes sentiments mouillés, plénitude de mes corps émotionnel, physique et éthérique, mon havre de paix et de sérénité.
Mes yeux rivés sur elle à chaque montant du jour, j’y humais l’odeur apaisante des poissons, parfois moins parfumé que l’atmosphère chaotique de ma maison.
La rivière du nord, la maison mère de mon imaginaire, mon actrice préférée, permettait la dissolution de ma pensée, frappant la blanche sur la grise immobile, un doux refrain, une mélodie sans fin, parfois volubile mais me redonnant du regain, endormant avec elle les espaces peu reluisants de ma vie. Je laissais couler spontanément mon esprit! J’y creusais la profondeur, à ma façon la solidifiait, ma danse sacrée du laissé aller, me fondait dans l’inter relié. Je mettais en veille les lois inventées, le morose des roses fanées, le visage des peines derrière, c’était le passé!
Le cœur baignant dans l’amour, mes pieds bien ancrés dans le sable chaud, donc la vie devenait l’éternité. Ma rivière du Nord!
Depuis mon amour pour elle s’est polarisé. Le 5 du mois de célébration de Noël 2003, en cette journée bien précise, un ouragan frappa tout mon sens à la vie. La rivière du Nord, celle donc j’étais la fan assidue, celle que je chérissais, celle avec qui je dansais en harmonie, peut importe l’humeur de sa mélodie, devenait en un craquement de tonnerre.
« LA REINE NOIRE » la belle mère de Blanche-Neige, donc le prince s’évapora de l’histoire. L’horrible visage de cette faucheuse aux dents couvertes de lichen me glaça tout entière. Celle qui vola la respiration sans préavis de sa précieuse complice, ma meilleure amie! D’une rage assassine, elle osa emprisonner son corps menu et frêle, l’enchaîner jusqu’à ce que sa matière d’une acre odeur se mélange au levé des lilas. Longue fut son âme agonisant sous sa couche meurtrière! Elle se comporta comme une hyène affamée devant sa proie. Je la haïssais! Comment avait-elle pu? Celle qui de son souffle vivant l’avait protégé, défendu, convoité hiver comme été! Qui, dans un sens plus léger, pourrait imaginer, sans tristesse ni colère ni amertume, une œuvre d’art que l’on pourrait apprécier! Pas moi. Je me permets de le dire, rien à glorifier, car dès lors, rien, ni personne, ne pourra changer le canevas vectoriel qui me vient! Pour l’éternité… une rivière à coliformes humains. Tel est à mes yeux son destin!
« La rive hier du nord »!
MarieAnnie Soleil, 23 septembre 2016
42.
Rivière du n’Or,
cet or bleu, ce
perpétuel écosystème,
où ta douceur coule la Vie,
en la force de ton mouvement,
saccadé ou paisible,
d’une richesse inestimable.
Nourrissant de grâce,
là où tu y passes,
par ta pureté
l’éclosion des miracles
sur cette Terre
prennent forme,
de ces veines de l’existence
que tu y reflètes de fraîcheur,
en le sens de ton ruissèlement,
là où…
Sillonnant à travers
les montagnes de ce Nord…
Tu collabores à me rendre paisible,
lorsque je fais un avec toi,
m’y berçant de caresse,
dans cette accueil de respect…
Que tu m’apprends à aimer et
à cocréer en se monde merveilleux.
Car tu t’offres à moi sans condition…
Car tu sais que tes eaux vivent en moi
et font partie de moi…
Tout comme chaque goutte d’eau
vivant
dans l’océan de Mère.
Texte de Sri le Conte (Benoît Girard)
43.
La rivière du Nord m’inspire
Je suis une très vieille dame, quelques millions d’années,
Je ne suis pas très grande, cent trente-sept kilomètres,
J’ai creusé, vaille que vaille, année après année,
Mon lit qui vous accueille, et pour votre bien-être
Je serai toujours là. Mes rives verdoyantes,
Mes eaux claires, limpides, et mes gracieux méandres;
Mes chutes, mes sursauts, un réservoir de plantes,
De boisés, de forêts. Je ne suis pas à vendre!
Rabaska ou canot, Algonquins, Québécois,
Mes berges vous appartiennent, faites-en bon usage.
Devant tous vos projets, hélas, je reste coite,
Désarmée, impuissante; mais que faire à mon âge?
J’entends de-ci de-là, des propos discordants,
On parle d’oléoduc! Des comtesses ou des ducs
Passe encore, mais des oléoducs! « Enfants,
Écoutez-moi! Oui! Abandonnez ces trucs
Et ne détruisez pas le fruit de tous ces siècles.
Respectez la Nature, son environnement,
N’essayez surtout pas d’interrompre ce cycle,
Le cycle des saisons, cet émerveillement! »
Alain Stritt, finaliste
44.
Renaître
Je suis née avec la montagne enneigée
dressée devant moi pour toujours
en bas la contamination
que répandent les usines de la ville
les camions hurlent au désespoir.
Le peuple marche et marche
ne s’arrête jamais
même pas le jour même pas le soir
même pas la nuit blanche d’étoiles
cette cordillère immortelle me suit partout
omniprésente.
Oh Terre-Mère prend soin de la Camanchaca*!
J’ai besogné réalisé mes rêves
laissé des traces dans une terre étrangère
j’ai foulé des sentiers pédestres
bordés de mûres et de fraises.
Un suisse fait des pirouettes
sur le tronc d’un bouleau naissant
je m’approche en silence
mon visage qui se reflète
dans les eaux de la Rivière du nord.
Elle coule majestueuse
emportant dans son courant les truites arc-en-ciel
sous des nénufars et des branches d’automne.
Regardez le magnifique chevreuil
la famille de canards s’abritant dans ses versants
regardez-la entendez sa voix qui continue de chanter
racontant mille et une fois son histoire!
Assise sur l’herbe bienfaisante
je découvre la pacifique démarche
d’une petite tortue sur le chemin.
Oh la Pachamama* prend soin de ma rivière
ne permet pas qu’ils la blessent
je suis inquiète mon âme est fatiguée.
Arrêtez vous vos constructions d’acier et de ciment
arrêtez-vous je vous en prie!
Aspasia Worlitzky